Il ne m’aime pas pour l’argent.
Non ? Pour quoi, alors ? Ta grâce ? Ton charme ? Ta répartie et ta subtilité d’esprit ?
Il m’admire.
J’ai essayé pendant des mois de ne pas être cruel, mais il est temps que tu voies la réalité en face. (…) Une centaine de femmes sont plus jolies, un millier sont plus malignes, mais tu as une qualité qui compte plus que tout.
Laquelle ?
Ton argent.
Père !
Tu n’as rien d’autre !
Catherine Sloper est un vilain petit canard dans une société où tout repose sur les convenances et l’apparence. Elle est touchante par sa maladresse, son décalage, son innocence. Elle est inadaptée à cette société non parce qu’elle n’est pas à la hauteur de ce monde mais bien plutôt parce que cette société ne lui arrive pas à la cheville.
Olivia de Havilland interprète avec brio ce personnage à la fois timide et franc, qui panique quand, lors de la première rencontre, elle croit perdre son chevalier servant parti lui chercher un verre, qui agite nerveusement son éventail, qui est complètement décontenancée et perdue devant ce premier jeune homme à lui faire la cour. N’importe qui d’ailleurs perdrait tous ses moyens car Morris Towsend, ce charmant jeune homme, n’est autre que Montgomery Clift !
Catherine a perdu sa mère, il y a longtemps. Elle vit avec son père, un homme froid et dur qu’elle adule. De son côté, il la méprise et la dévalue. Ne lui trouvant ni charme, ni intelligence, ni aucune qualité et il la compare à sa femme trop tôt partie, une défunte placée en son esprit à un sommet d’idéalisation inaccessible. Pour cet homme qui n’a aucune estime pour sa fille, il est évident que Morris Towsend faisant la cour à sa fille ne peut être attiré que pas son héritage. Quoi d’autre pourrait attirer un homme pauvre et oisif vers elle ? Qui a raison de ce père au jugement implacable ou de Catherine, convaincue de l’amour de Morris ? Et finalement les deux n'auraient-ils pas raison ?
The Heiress est une histoire cruelle qui fait d’une brebis un véritable tigre ou encore d’un vilain petit canard un cygne majestueux. Car parfois c’est la cruauté de la vie et des êtres qui fait advenir le meilleur d’une personne et trouver en elle la force inébranlable et la dignité qui font tenir debout.
The Heiress est servi par des acteurs qui sont tous excellents dans leur rôle : de Olivia de Havilland et Montgomery Clift déjà cités en passant par Ralph Richardson (le père) et Betty Linley (la tante). Les dialogues sont ciselés, la reconstitution historique est fine. Une petite perle cinématographique de la fin des années 40 !