JOHNNY O’CLOCK (L’heure du crime) polar noir d’énigme mérite d'être vu, mais sans plus.
Dick Powell tient le rôle-titre. Son personnage dirige avec son associé Guido (Thomas Gomez) un casino assez chic. Guido est un peu malfrat, il est entouré d’une bande de sbires peu recommandables (on reconnaîtra parmi eux le débutant Jeff Chandler) et fait des affaires malsaines avec un flic prévariqué et tordu Blaydon (Jim Bannon). Ce milieu louche est surveillé de près par un flic fatigué mais fouineur opiniâtre, l’inspecteur Koch (Lee J. Cobb, parfait bien sûr), notamment à cause des méfaits de son collègue marron Blaydon. Johnny n’a pas de casier judiciaire mais il navigue en marge de cette pègre comme son "jeune protégé" Charlie (John Kellogg), qui vient de sortir de prison. Sa maîtresse, Nelle (Ellen Drew), l’a quitté pour épouser son riche associé Guido.
Johnny semble vouloir se consoler avec une jeune employée du Casino, Harriet Hobson (Nina Foch) mais elle est trouvée « suicidée ». L’enquête sur cette mort plus que suspecte, menée par Kosh, fait apparaître la sœur de Harriet, l’honnête Nancy (Evelyn Keyes); sa rencontre avec Johnny se transforme coups de foudre réciproques.
Tous les éléments d’un bon film noir sont présents – le héros désinvolte; l'héroïne innocente et la femme fatale, les nuits pluvieuses et les ombres sur les murs. La belle photo N&B est signée par Burnett Guffey; le dialogue est sec et le casting parfait.
Il y a de bons moments, comme celui où Johnny ouvre violemment la porte d’une cabine téléphonique et surprend son « ami » en train de le trahir ; celui où Johnny fait sauter dans sa main une pièce de monnaie mexicaine, sans savoir qu’elle est capitale pour l’histoire, tout en discutant avec l'inspecteur de police ; une lueur soudaine dans ses yeux montre qu’il devine l'identité du meurtrier de Harriet. Dans le poste de police, les ombres de chapeaux sur le mur derrière les personnages font d’une scène banale un moment de beauté noire.
Les scènes de Powell et Keyes sont très chargées d’un sous-texte qui semble osé pour l’époque. Ellen Drew est formidable en beauté alcoolique et venimeuse qui reste amoureuse de son ancien amant mais ne renonce pas à l’argent de son mari. Nina Foch est bien mais son rôle est très court.
On peut noter que Thomas Gomez, qui joue Guido, a été nominé pour le meilleur second rôle de cette année 1947 ; mais c’était pour « Et tournent les chevaux de bois » de Robert Montgomery.
C’est donc un polar assez intelligent, au scénario crédible avec ce qu’il faut de dialogues allusifs et même quelquefois savoureux. Pourtant, s’il est crédible, le scénario est un peu confus, surtout pendant la première moitié du film. Du coup, malgré des mouvements de caméra intéressants et la bonne lumière de Burnett Guffey, le premier film de Rossen est un polar assez peu prenant. On suit sans ennui une action sans vrai suspense. Il me semble que le rythme n’est pas assez vif pour nous empêcher de deviner les évènements les uns après les autres.
Mais j’étais peut-être dans un mauvais jour.
En conclusion : A voir si on n’en attend pas trop.