La réalisatrice hongroise I**ldikó Enyedi** avait, avec Corps et âme en 2017, proposé un récit insolite et assez prometteur. Son nouvel opus, qui a bénéficié des honneurs de la compétition officielle à Cannes, délaisse l’originalité pour une ambition imposante : récit historique chapitré (comme pas mal de films de la sélection 2021, des Olympiades à Julie (en 12 chapitres) en passant par Tromperie…), il suit les avanies sentimentales d’un capitaine de bateau, d’une ville et d’un navire à l’autre.
Évoquant, en exergue, « nos vies passées à contrôler l’incontrôlable » le film s’attache particulièrement, comme son titre l’annonce, à la relation complexe du capitaine à son épouse, choisie sur un coup de tête pour donner du sens à une vie passée à fuir dans la houle. Arrivée de Léa Seydoux, dans un brushing un peu anachronique, pour une liaison au long cours, qui se voudrait complexe et retorse, et qui joue effectivement sur quelques scènes de la manipulation, de la provocation et du désir par l’épouse de faire craqueler l’édifice marital pour obtenir de lui colère, souffrance, et, enfin, passion.
Tout cela passe cependant vite inaperçu au fil d’interminables montagnes russes sur fond de joliesse de reconstitution qui flirtent avec le téléfilm doté d’un budget confortable. La figure du capitaine n’est pourtant pas dénuée d’intérêt : un homme honnête, mais minéral, qui cherche à imiter les contorsions de son épouse (l’infidélité, le jeu de rôle) sans réellement y parvenir. Mais son apathie contamine tout le récit, et les séquences s’enchainent sans véritable liant, ni chair : un incendie sur un bateau, un tango, une étreinte assez belle dans l’embrasure d’une porte, la figuration tout aussi neurasthénique de Louis Garrel…Le spectateur se trouve assez rapidement pris d’indifférence à l’égard de personnages qui semblent réciter leur texte et passer passivement d’un événement à l’autre.
Le problème est évidemment accru par la longueur du film : on peine à comprendre les raisons qui lui font atteindre les 2h50, si ce n’est par l’ambition précédemment évoquée de sa réalisatrice, qui pense toucher un grand sujet sur la vie, mais ne parvient jamais à lui donner du souffle. Les événements du dénouement ou les leçons d’absurdité de l’existence par un médecin expliquant que la vie n’est qu’une succession de sursis ne viendront rien sauver. Au contraire : la lourdeur de la révélation finale embourbe encore davantage une romance à l’image de tout le récit qui l’accompagne : condamnée dès son origine.