Anne Barratin disait, « On corrige le laid, on n'élargit pas le gentil ». Dagur Kari l’a bien compris en nous offrant avec « L’histoire du géant timide » un film incroyablement doux et l’un des plus émouvants de ce début d’année. En choisissant Gunnar Jonsson pour incarner Fusi, la réussite était assurée au deux tiers, tant l’acteur y évolue, malgré une carrure imposante, avec grâce et beaucoup de subtilité. On l’avait déjà remarqué dans « Béliers » (autre perle islandaise) dans un second rôle, et l’on peut dire sans être présomptueux que sa carrière est désormais lancée !
Depuis son magnifique, et déjà très maitrisé, 1er film, « Noi Albinoi », Dagur Kari s’attache à des personnages en marge de la société. Ce ne sont pas pour autant des marginaux, car ils ne refusent pas un système, mais leur atypisme les fait percevoir comme tel. C’est le cas pour Fusi, 47 ans demeurant encore avec sa mère et dont la vie semble l’avoir un peu oublié. Entre un métier de bagagiste où il est à peine considéré (euphémisme) et une mère pour le moins abusive, il ne trouve que de brefs instants d’existence à travers des reconstitutions de batailles de la seconde guerre mondiale. Jusqu’au jour où, il va rencontrer Sjöfn, une jeune femme un peu plus perdue encore que lui dans son être. Sa vie en sera bouleversée…
Cette « Histoire » peut sembler anecdotique, mais ce serait sans compter sur le talent de fabuliste du réalisateur. Car bien au-delà de l’aspect pittoresque, le film est un véritable plaidoyer en faveur de la simplicité, celle de l’âme, forme de sagesse qui tend à disparaître comme glace au sommet de l’Hvannadalshnukur. Et cette simplicité se décèle dans l’innocence, Fusi est avant tout un innocent, sans malice, sans calcul, il donne son cœur (à Sjôfn, sa mère indélicate, ses collègues qui n’ont de cesse de se moquer). Il n’a pas la science du pardon, puisqu’il ne voit pas le mal. Contrairement à ceux qui l’entourent, jugeant son attitude suspecte (« trop gentil pour être honnête »). Et de toute cette trame que maintient ingénieusement Dagur Kari, la fin se fait apothéose ! Fusi, quel sourire merveilleux, se transforme alors (pas physiquement hein ! on n’est pas dans Birdman !) en une espèce d’ange gardien.
A cette qualité d’interprétation (le casting est idéal), scénaristique, la mise en scène très sobre fait la part belle à cette rencontre plaçant Fusi au cœur d’une Islande pas aussi glaciale que les préjugés la portent. L’humour en filigrane est également un atout de taille, nous rions ou sourions souvent, non pas pour se moquer de cet homme, mais tout simplement de la bêtise de la vie parfois et plus encore de certaines de nos réactions du quotidien largement épinglées ici.
Un énorme coup de cœur en forme de câlins pour Fusi qui aurait beaucoup à apprendre à certains.