Chaque fois que je revois ce film, j'y trouve de nouvelles grandeurs. Certes, il est de bon ton, surtout lorsqu'on aime les westerns, de bouder ce film hors cadre, flamboyant et tourmenté dont la seule faiblesse-à mon sens -est de n'opposer que de fades ennemis aux redresseurs de l'Ordre . Face au tandem Fonda-Quinn, rejoint par le solitaire Widmarck, il eut fallu une vraie bande d'affreux, sales et méchants et ce n'est pas le cas. Le duel qui voit la mort du jeune frère du shérif est à ce titre fauteur de malaise tant c'est un suicide annoncé.
N'empêche, le thème de la justice contre l'Ordre sans morale et le désordre sont ici magnifiquement traités et démontés. Brisdaile, le Marshal joué par Fonda ne se fait aucune illusion sur ce qui l'attend face aux notables et villageois trop lâches qui l'on engagé pour nettoyer la ville. La lucidité du personnage, sa lassitude et son envie de s'attacher à une vie "normale", en font un personnage complexe de "tueur fatigué". Que dire du troublant co-équipier joué par Anthony Quinn ? Jamais l'acteur n'a été aussi sobre et intense que dans ce compagnon admiratif et protecteur, prêt à tout pour sauvegarder la réputation de son mentor. Extrêmement touchant aussi est le jeune shérif incarné par Widmark, et l'on suit son itinéraire de rédemption avec empathie et admiration. Les personnages féminins quant-à eux sont plus conventionnels : l'ancienne prostituée en quête de vengeance qui trouve enfin l'amour et la belle notable qui succombe au charme de Fonda ne semblent avoir comme fonction que d'apporter un peu de douceur au tableau par leurs robes et leurs vertus de cuisinières ! Néanmoins, par l'épaisseur humaine non manichéenne de ses personnages, par le lyrisme de certaines scènes ( l'oraison funèbre sur le billard est un sommet ! ) Ce film a sa place au panthéon des grands westerns.