Edward Dmytryck semble plus attiré par l'exploration des rapports humains que par l'affrontement binaire des bons contre les méchants. Il pose ici de nombreuses questions de fond sur la trahison, l'héroïsme, l'amitié. L'écriture des trois personnages principaux souligne l'ambivalence de chacun, alors que l'on s'attendrait à un western classique sans surprises où une bande de hors-la-loi fait régner la terreur sur une petite ville avant qu'un justicier ne vienne faire régner l'ordre grâce aux feux de ses colts.
A travers l'affrontement entre le shérif représentant de la loi et le « prévôt » , un genre de tueur à gages engagé par les habitants , Dmytryck nous fait réfléchir sur le rôle de la justice, qui ne consiste pas seulement à se protéger des bandits, mais aussi à se protéger de l'autoritarisme qui se cache parfois derrière les représentants de l'ordre.
Chaque personnage développe un thème cher à l'auteur. On peut penser que le thème de la trahison a dû être particulièrement sensible pour Dmytryck (voir sa biographie). Johnny Gannon (Richard Widmark) est un ancien membre de la bande de hors-la-loi qu'il « trahit » pour se ranger du côté de la loi et devenir le shérif de Warlock.
Clay Blaisedell le prévôt (Henry Fonda), c'est lui l'homme aux colts d'or, incarne l'héroïsme du cow boy. Mais alors que Fonda nous avait habitués à incarner les héros positifs (12 hommes en colère), le redresseur de torts froid et impassible cache ici des zones d'ombre qui se dévoileront peu à peu. Sa motivation principale n'est pas la lutte contre l'insécurité des habitants mais le salaire confortable qu'ils lui versent. Quand, pris d'un accès de colère, Clay Blaisedell humilie les gens rassemblés, allant jusqu'à bousculer un infirme, il jette le masque et se révèle un danger potentiel pour toute la communauté.
Quant à Tom Morgan (Anthony Quinn), l'adjoint pied-bot et l'ami dévoué du prévôt, son comportement est pour le moins suspect. Il assassine un passager de la diligence, interdit cyniquement à son ami d'aider le shérif en très mauvaise posture, et pour finir sous le prétexte d'avoir abusé de l'alcool, terrorise tout le saloon avec ses colts chargés. Manipulateur, alcoolique, jaloux, son amitié pour Blaisedell lui sert de paravent pour pouvoir assouvir sa brutalité, ce qui est plus crédible à mon avis que l'homosexualité implicite que croient déceler beaucoup de critiques.
J'ai pensé brièvement que le titre américain Warlock le désignait comme le sorcier maléfique, l'âme damnée de Blaisedell, alors que Warlock n'est que le nom de la petite ville de l'Ouest où se déroule l'action.
Il y aurait bien d’autres choses à dire sur cette œuvre très riche psychologiquement mais un peu pauvre en action, qui souffre d'un titre français trop tape à l’œil et d'un titre américain trop modeste, mais qui reste inoubliable par la qualité du jeu de ses acteurs et en particulier par la composition ambiguë d'Anthony Quinn.