Biopic sur la vie de Lon Chaney, L'homme aux mille visages brasse énormément de thèmes qui rendent la vie de l’acteur captivante. Hormis la relation de couple, la paternité, la vie d'artiste, la différence, c’est l’absence de parole qui est le thème central de l'histoire, cela va se traduire à plusieurs niveaux.
L'incapacité de dialoguer a été l'objet de traumatismes durant l'enfance de Chaney, ses parents sourds et muets étaient perçus comme des monstres. Le manque de communication été aussi la source d'un premier mariage raté et de conflit avec son fils. Le mutisme lui a été en quelque sorte fatal, mais à contrario aura fait toute sa gloire. Interprétant plusieurs rôles majeurs au théâtre comme au cinéma dans les années 20, c'est grâce à ses personnages muets qu'il parvient totalement à s'exprimer. Ce n’est pas anodin si le film met l’accent sur deux rôles qui ont fait son succès : Le fantôme de l’opéra et Quasimodo de Notre Dames de Paris. À travers leurs physiques ingrats, il y a un écho sur le handicap des parents de Chaney et du regard que portaient les autres sur eux. Les interpréter, c’est l’occasion de faire passer un message de tolérance au public. Démontrer par l’art qu’il y a de la bonté en chacun si on va au-delà des apparences.
James Cagney tient ici un rôle dramatique à la hauteur de son talent. Il interprète le rôle de ce clown triste de manière nuancé, délaissant son côté énergique habituel et compensant avec plus de retenu. Il retranscrit ce qui faisait de Lon Chaney un artiste complet : le comédien de composition, le maquilleur et le dessinateur. Beaucoup de sensibilité se dégage de son personnage. Toutefois, si le film s’évertue à transcrire son point de vue, l’intelligence d'écriture des scénaristes réside dans le fait que le spectateur ne prend pas automatiquement son parti et remet en question certaines de ses décisions.
Bien que la narration soit très classique avec toutes les étapes qu'un film de ce genre exige (l'enfance, le début de carrière, la gloire, etc...), que la réalisation de Joseph Pevney s’efface au profit de ses acteurs et d'un scénario un peu trop romancé, L'homme aux mille visages n'en reste pas moins une œuvre plaisante de part sa dimension tragique, de l’émotion qu'elle véhicule et des sujets abordés.