Raphaël rêve un impossible amour

Raphaël (joué par Raphaël Thiéry), c'est le gardien borgne (et qui approche la soixantaine) d'un vieux manoir à la fois décati et plein de charme, que ses propriétaires n'habitent plus depuis longtemps. Par une nuit d'orage, Garance (Emmanuelle Devos), l'héritière de cette vaste propriété, arrive en voiture sans crier gare, seule, sans bagages et fait réouvrir la bâtisse. Ce qu'elle vient y faire, on ne sait trop. Le spectateur devine, par contre, immédiatement que Raphaël, tout rustre et physiquement ingrat qu'il est, va tomber amoureux fou de Garance.

Est-ce une version remaniée de la Belle et la Bête ? De Quasimodo et Esméralda (de Notre-Dame de Paris) ? Peut-être un peu, mais pas vraiment. C'est plutôt l'histoire d'un contact (et même d'un choc) entre deux personnes très dissemblables et de l'étincelle qui en jaillit. Laquelle provoque chez l'un le feu de la passion, chez l'autre une brusque, violente inspiration artistique. Le film développe ensuite ce qu'il résulte de cette double réaction.

Le film m'a aussi lointainement fait penser, du fait de l'oeuvre d'art qu'on y voit être sculptée, au couple Auguste Rodin / Camille Claudel et au romantisme de leurs relations. Le film a un côté très romantique.

Sinon, j'ai lu ici ou là que le métrage était remarquablement cadré et photographié. L'aspect technique du cadrage me dépasse un peu, mais j'ai effectivement été tout de suite frappé par la qualité, la magnificence de la lumière qui baigne la plupart de ses scènes.

J'ai aussi progressivement réalisé (j'en ai été très surpris) que Raphaël Thiéry, qui joue "l'homme d'argile" (le déroulement du film vous dira pourquoi), éteignait ou, en tout cas, faisait oublier petit à petit Emmanuelle Devos, pourtant une de mes actrices françaises préférées (et sans doute celle qui, au plan national, est actuellement au firmament). La "vedette" de l'histoire et du film, ça n'est pas elle, c'est lui. Lui qui a le plus beau rôle, le plus intéressant, le plus touchant. Lui qui joue vrai et puissamment. Lui dont on se soucie. Lui qui, oui, émerveille. La Belle (l'artiste, la sculptrice) disparaît peu à peu au profit de sa création ; de plus en plus, on n'a d'yeux que pour la Bête (le modèle, comme l'oeuvre d'art créée).

L'Homme d'argile est le premier long métrage d'Anaïs Tellenne. C'est un très beau film. À ne voir qu'une fois... parce qu'il se livre, et qu'on le comprend, du premier coup, tant il est limpide et clair. Inutile, je pense, d'en faire davantage l'analyse. Je vous en laisse la surprise, le choc émotionnel.