Pauvre professeur
Après voila un an, un professeur d'histoire Samuel Paty, décapité pour son cours sur la liberté d'expression et les caricatures qui a été blamé par sa hiérarchie, voici l'histoire d'un professeur...
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le 16 oct. 2021
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Je voulais voir cet Homme dans la cave pour me moquer de son délire et de sa mauvaise foi, j'en suis sorti triste – à la fois blasé d'une telle sur-confirmation miteuse et satisfait de trouver une démonstration de cet extrémisme devenu visible depuis mars 2020 : l'extrême-mou, ou la radicalisation des mous dont le logiciel idéologique demeure vide ou contingent et superficiel (car les mous, se sachant peu polarisés par rapport aux conflits politiques classiques et visibles, ou peu autonomes par rapport au consensus, se croient incapables d'erreurs fatales et donc sont d'autant plus tranquilles quand ils 'dérapent'). Ce film dégage une chose délicieuse mais dure à juger : une sensation d'évidence. Dans son cas ça ne fait pas une œuvre percutante ; peut-être une œuvre pauvrement remarquable (c'est tellement le brûlot des mous que vous pouvez le consommer dans la léthargie la plus complète). Car cette évidence est celle de la nullité – la nullité devenue oxygène et foi aveugle.
Naturellement on y parle peu du judaïsme et à peine des camps d'extermination ; on vise les déviants – et de la même façon qu'un démagogue va filer droit sur les thèmes faciles imposant l'acceptation (ou un progressiste s'appuyer sur les minorités pour vernir son désir de tyranniser au moins la majorité), ce film se saisit du thème qui en France met tout le monde d'accord, ou plutôt les yeux au sol, l'âme engourdie et le cerveau en miettes, car il y a une gêne collective constituant finalement la seule preuve d'un 'couple franco-allemand' : la honte d'un épisode de collaboration, dont il faut bien faire quelqu'un responsable – c'est la forme de déni autorisée, le déni pur et simple de l'épisode étant justement impossible pour les faux victorieux vraiment honteux. Difficile pour un peuple si gavé de prétentions universalistes de se savoir au moins aussi rampant et lâche que les autres. C'est le seul point où ce film a raison : le potentiel de collaboration avec le pire ne disparaît jamais, nous sommes tous ses ouailles en sommeil ; là où ce film ne peut qu'avoir tort, c'est en soustrayant sa petite population de l'équation – ce déni prend des proportions dramatiques.
Tout en étant parfaitement terne et bête ce film n'est pas de ceux qu'on jette à la poubelle en les oubliant déjà car leur partisanerie est transparente et l'exécution ordinaire ; il reste un goût étrange, celui d'un message qui viendrait démolir ses fondations au moment où pourtant il se prétend plus urgent que jamais. L'homme de la cave donne une impression de parodie qui se dégonflerait à force de sérieux (et de prétendre exister pour le salut commun). Il pratique un curieux renversement au point que si on voulait alerter sur ces anti-fascistes devenus fascistes pourchassant les bêtes immondes, on reprendrait ce film à l'état de squelette en rendant les choses plus expressives. Car la bande-annonce annonçait une mascarade, mais la séance entière est plusieurs tons en-dessous ; seuls les clichés viennent en renfort, jamais la fièvre militante. C'est d'ailleurs le point qui rend le film définitivement nul : tout ce qu'ont à sauver les ennemis de Fonzic est moche et doucement démoralisant ; pendant qu'ils n'ont rien à conquérir, sinon toujours plus de paix et de mise au pas. Les pires tracts BLM aujourd'hui, staliniens hier, nazillards de tous temps, appellent à une mobilisation enthousiaste, au pire à une joie destructrice ; L'homme de la cave en appelle au désir de chacun d'hiberner avec une meute docile. À l'image des mous politiques il est habité par ce conservatisme si absolu qu'il ne défend même pas de nobles acquis, mais seulement l'inertie – cette attitude de gardien d'un temple qui doit demeurer vide, mais le temple doit recouvrir tout l'espace possible et imaginable. Il y a de l'agressivité, de la culpabilisation, des remontrances ; mais pas d'émotion ou de détermination vraie, rien de fort, rien de vif – que du stress, de la suffisance et de la confusion. Il y a bien de la violence (« l'arme de ceux qui ont tort » estime Fonzic, décidément pas un pragmatique) mais c'est celle à reculons des bons petits soldats poussés à bout – les mous n'ont pas besoin de sentiments religieux pour devenir sectaires : c'est toujours les déviants du monde qui sont ineptes et méchants, eux n'aspirent qu'à partager le paradis ! Effrayés par la contamination qu'exercerait un individu pourtant isolé et contraint à se cacher, nos crypto-fascistes anti-nazis, qui doivent surtout rester incompatibles avec les nazillons et toutes les étrangetés malsaines qui peuvent éclore sur ce monde, font face à un antagoniste digne d'un film d'horreur de la belle époque (les années slasher – les allées-et-venues dans les couloirs semblent un pastiche des Halloween ou Vendredi 13). C'est d'ailleurs l'effort de mise en scène qui aurait pu rendre L'homme de la cave pertinent comme spectacle (et qui le rendait attractif a-priori, certes à son détriment ou avec ironie, mais un film idiot et abusif peut être formellement 'édifiant', l'essentiel à l'écran n'étant pas le discours mais la cohérence et le style) ; mais il n'y a qu'à proximité de la cave et notamment la séquence d'initiation de la gamine (si ce n'est ça elle est absurde) pour faire vaguement décoller le thriller horrifique ; tandis que la performance d'acteur est plus picturale que dynamique, puisque le rat d'égoût n'est là que pour prendre des coups et doit rester sous contrôle.
À plusieurs reprises Fonzic s'exprime comme un possédé, un mix entre un xénomorphe, un charmeur de poules et un dandy d'extrême-droite contraint à l'exil (éventuellement dans son propre pays) ; il a ce regard et ce débit d'hypnotisé détraqué par la folie qu'il tente de propager ; ce n'est plus un être humain, même pas un abîmé, ou s'il en est un c'était avant – sa rigidité n'est pas celle d'un type théâtral mais d'un raisonneur fanatique. D'ailleurs un raisonneur peut-il être autre chose que dangereux ? Impossible selon ce film, à moins qu'il soit habilité. La stricte légalité est la seule saveur qu'un esprit sain doit reconnaître ! La soumission à l'autorité est telle qu'il faut des avocats (ou un policier) pour montrer une capacité à objectiver – absente ou réduite aux faits bruts (enrobés par un script moisi) le reste du temps. Heureusement l'autorité condamne fermement le méchant – c'est ce qu'on lui demande (c'est tout ce qu'on a le droit et le devoir d'oser) ; mais elle n'en fait pas assez (c'est exactement la caricature des 'populistes' mais comme ici nous avons à faire à celui des gentils, soyons indulgents et ne relevons pas). Néanmoins l'avocate (après avoir commis l'inénarrable amalgame des extrême-droite et gauche) évoque les droits pour s'exclamer qu'heureusement ils sont là même s'ils profitent aux salauds ; cette idée persistante nourrit justement le cœur de l'idéologie spontanée des mous. Les non-mous ne méritent pas notre légendaire tolérance – ils jouent avec nos généreuses règles, bâties pour les humains dignes, éclairés et insérés – alors qu'eux sont hors-circuit, ténébreux, au mieux ils sont le pire de ce que peut être un humain. Voilà ce qui se raconte dans l'âme sordide des mous, dans laquelle plonge ce film écoeurant, débile et sûr de sa petite morale – ce film est parfaitement raccord et donc confus avec sa plèbe stupide, proprette et méchante. C'est peut-être car cette plèbe minable est incapable d'avoir des préjugés sans passer au préjudice qu'elle croit que tout 'préjugé' est nocif ?
Face à cette symphonie de petites ordures moyennes et bien sous tout rapport, il peut être difficile de ne pas éprouver de sympathie au moins théorique pour cet ambassadeur des asociaux non-gauchistes. Répand-il littéralement sa merde aux alentours avec rage ou insouciance ? Les inconnues à son sujet sont la seule matière à suspense. Ce qui est certain c'est que Fanzic est un homme calme mais inflexible, capable de sacrifices au nom de ce qu'il sent juste ou simplement de ce qui le passionne (et pas de ces sacrifices de misérables mammifères en besoin de se faire assimiler), capable d'endurer l'ostracisation et des conditions de vie minimalistes ; capable de renoncer aux vanités, sauf à cet orgueil de savoir ou d'essayer de savoir (ou du moins le prétendre mais c'est la même chose car il est sincère dans sa démarche) quand les autres « se contentent de la vérité officielle ». Le dernier des woke avec un tel refus de plier susciterait en moi un semblant de respect, une inévitable petite admiration pour un caractère aussi affirmé, capable de violer ce que la société a fait de la réalité (à condition de savoir articuler sa conviction folle et pas d'être un animal à grosses convictions, comme le sont les bourrins 'de terrain' ou les poivrots réacs sur petit écran) ; et peut-être que les mous et extrêmes-mous constatent aussi cette force et en sont impressionnés – mais verrouillés face à l'étrange ils ne peuvent pas laisser passer le début d'un raisonnement ou d'une sensation qui ne condamnerait pas fermement ce monstre absolu nommé Fonzic.
Fonzic est un négationniste et pour ça il va être compliqué de l'aimer ou d'être complaisant. Par contre ce qui en lui suscite la profonde angoisse (pas seulement l'alerte morale ou consciente) est bien trop estimable, tandis que l'essentiel des urbains qui l'entoure est si petit... que je ne peux m'empêcher de voir en ce film un lapsus. Ce qui devrait constituer une ambiguïté mais semble jamais perçu par les gens engagés dans ce projet se retrouve dans les propos de Cluzet en interview, où il blâme ce 'pauvre type' avec ses histoires d'indiens d'Amérique ! Rien d'aberrant pourtant là-dedans et les véritables bonnes âmes généreuses, les 'bien-pensants' logiquement devraient s'émouvoir de cet épisode historique et en tirer une leçon. Mais on ne doit rien voir ; le vrai, le faux peu importe : ce qui compte c'est d'éviter le trouble et aucun prix ne sera excessif. C'est à la fois la preuve qu'il y a un malaise qui n'est que révélé et projeté dans ce monstre qu'est Fonzic ; et la preuve que les gens qui peuvent concevoir et adhérer à un tel programme sont prêts à se conduire en persécuteurs persécutés, alors même qu'ils ne sont pas persécutés. Car le 'based on a true story' ne suffit qu'aux imbéciles ou aux consentants.
L'entourage de Rénier (culpabilisé constamment car il fait si facilement confiance alors que le monde est plein de prolos, de gens bizarres et même, mauvaise pioche, de fachos !) prétend régulièrement qu'on ne condamne ou attaque pas les gens sur leurs idées ou discours. Or si, en France comme quasiment partout. Et le film se fonde sur cet obstacle artificiel pour dérouler son appel à la dératisation ; on fait comme si la France était les États-Unis dans leur pureté (mais beaucoup de causes pleurnichardes agressives aiment cette lecture insensée), or s'il est vrai que cet immeuble devrait souffrir d'une présence malveillante pendant que le procès dure, il est faut de prétendre qu'il y ait en France des obstacles, de l'incompréhension ou de la légèreté face à un type qui répandrait des propos négationnistes. C'est pourquoi il ne faut pas bêler avec les moutons blancs méchants et les naïfs vrais ou feints aptes à recevoir l'immonde prêche de ce film ; il faut admettre que s'il ne tire pas sur une cible déjà cuite, il en vise d'autres et n'a pas peur de faire le pire des rapprochements (car il n'y a en France rien de plus infamant -et concrètement menaçant- que d'être accusé de partager les 'ismes' de Fonzic).
Et à quoi aspirent des persécuteurs ? À ce qu'on leur fournisse un motif pour passer à l'offensive avec bonne conscience ; que la communauté, le climat ambiant, les institutions de légitimation, les adoubent et donc portent avec eux la responsabilité des méfaits, des abus, des humiliations (et finalement peut-être des crimes) qu'ils s'apprêtent à commettre. Refuser l'accès aux soins, refuser la satisfaction des besoins élémentaires afin que la cible patauge le plus physiquement possible dans la honte et l'impuissance, que la vie lui devienne odieuse et construire soit pénible ; refuser le confort dont nous jouissons ; voilà ce qui fait bander cette population (et cette France) qui ne saurait trouver aucun autre plaisir 'positif', elle qui n'a que le repli pleurnichard et le mépris gratuit pour abri au quotidien quand se présente autre chose que le crétin moyen qui lui paraît le produit final de l'Humanité.
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le 23 nov. 2021
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