Lasso courtois
James est l'homme de Laramie du titre original, il arrive à Coronado, petite ville sous la coupe d'un vieux barbon bien mal secondé, et semble avoir d'autres raisons pour s'incruster qu'une simple...
Par
le 31 mars 2012
33 j'aime
25
Chez Anthony Mann, le passé est toujours un fardeau : on a beau donner l’illusion de remonter aux origines de la nation, sur des terres encore vierges ou en voie de civilisation, les souvenirs colorent à chaque fois le paysage d’une clarté lugubre : un deuil (Du sang dans le désert, Winchester 73), un passé criminel (Les affameurs, L’homme de l’ouest), rien ne permet au protagoniste de se présenter comme un modèle aussi intouché que les terres qu’il investit.
L’homme de la plaine commence ainsi par une double occurrence du feu : les cendres retrouvées sur le chemin qui mène la ville, et l’incendie des biens du nouveau venu, James Stewart qui laisse planer le mystère sur ses intentions. La destruction est le pendant de cette ville à la hiérarchie trop établie pour être rassurante : on s’y bat comme des pourceaux, au milieu du bétail, et la richesse du propriétaire terrien n’a d’égal que les failles traumatiques de sa famille. Un fils ingérable, un adopté qui pourrait prendre sa place, un ancien amour devenu sa Némésis, et la menace Apache corrompue par les armes à feux que fournissent les blancs.
Sous des allures proches du polar, les réelles motivations des personnages ne se révélant que progressivement, la communauté s’effondre progressivement sous la menace de l’arrivée de notre héros, figure presque involontaire du justicier. Ici, tout est décalé, et les effets sont toujours secondaires : le meurtre du frère a été commis par des indiens, mais on cherche à savoir qui a vendu les armes ; le patriarche fait vivre la communauté, mais perd la vue ; son fils adoptif se considère l’héritier légitime, mais n’est que le ver dans le fruit ; les femmes elles-mêmes, à la fois opposantes et adjuvantes, amoureuses et liées à l’ennemi, achève de brouiller les pistes de ce nœud névrotique.
La catharsis nécessaire passera donc forcément par la décharge : du feu, mais aussi, et surtout, des révélations qui permettront au richissime aveugle d’ouvrir enfin les yeux sur la réalité, et au coupable d’être puni par là où il a péché : une façon, en somme, de boucler la boucle et de faire se rejoindre les faisceaux délétères qui faisaient tenir artificiellement la communauté.
L’échappée vers des paysages de plus en plus vastes permet une gradation fréquente chez le cinéaste : du corral aux parois rocheuses, du bar à la falaise, des rues au wild, l’accès à la vérité – et la mort pour certains se fait par l’évidence d’un espace majestueux. C’était la conclusion de Winchester 73, ce sera celle L’homme de l’ouest. Le western relate certes la conquête d’un territoire, mais à terme, c’est toujours lui qui l’emporte sur les individus.
(7.5/10)
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Nature, Western, Violence, vu en 2017 et Les meilleurs films de 1955
Créée
le 20 déc. 2017
Critique lue 644 fois
23 j'aime
D'autres avis sur L'Homme de la plaine
James est l'homme de Laramie du titre original, il arrive à Coronado, petite ville sous la coupe d'un vieux barbon bien mal secondé, et semble avoir d'autres raisons pour s'incruster qu'une simple...
Par
le 31 mars 2012
33 j'aime
25
Dernier des 5 westerns tournés par James Stewart sous la direction d'Anthony Mann, L'Homme de la plaine est comme une sorte de résumé des précédents avec une part plus âpre et parfois plus dure, mais...
Par
le 24 oct. 2016
31 j'aime
9
Cinquième et dernière collaboration entre Anthony Mann et James Stewart, L'Homme de la Plaine se veut plus désenchanté que les précédents, et nous emmène vers un lieu perdu qui jouxte un territoire...
le 18 sept. 2020
24 j'aime
4
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
719 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
623 j'aime
53