Première grande aventure made in France

Lors de la sortie de L'Homme de Rio sur les écrans français en 1964, Philippe De Broca vient d'inventer un nouveau genre : la comédie d'aventure. C'est en effet un prototype du film d'aventure mené sur un rythme échevelé, genre qu'on n'avait pratiquement jamais vu en France, un peu la réponse à Hollywood et à ses films de jungle ou d'explorations en territoire hostile en quête de trésors perdus. Le film fera le tour du monde, aura un relatif succès aux Etats-Unis, suffisamment pour être nommé à l'Oscar du meilleur scénario, mais surtout il sera une des sources d'inspiration majeure de Steven Spielberg qui verra le film en 1965, et qui 16 ans plus tard, donnera les Aventuriers de l'Arche perdue, oui carrément, il a même écrit une lettre à De Broca en le félicitant, c'est ce dernier qui le dit dans les bonus du DVD.
On peut y voir aussi un petit hommage à Hitchcock et à la Mort aux trousses dont le film adopte le même rythme frénétique et le goût pour les situations insolites. Ici, De Broca insuffle une vraie énergie remplie de péripéties sur un excellent scénario co-signé par Jean-Paul Rappeneau, inspiré des aventures de Tintin, c'est en effet une aventure très tintinesque, Hergé reconnaîtra cet esprit Tintin, mais c'est du Tintin sans en être vraiment, De Broca utilise les mêmes codes et les mêmes ressorts dramatiques et humoristiques en créant son propre héros sportif et sympathique.
Gros succès populaire en son temps, il ne vieillit pas car on traite encore l'aventure exotique un peu dans le même style aujourd'hui. Avec ce film, Belmondo gagnait son étiquette d'acteur bondissant, après Cartouche du même De Broca qui avait marqué leur première rencontre en 1962 ; accroché au-dessus du vide ou traqué par des types patibulaires en grosses limousines, et courant dans tous les sens au sein de paysages brésiliens enchanteurs, Bébel se prenait non seulement pour Tintin, mais inaugurait donc ses films remuants en sauvant la jeune fille en détresse, incarnée par Françoise Dorléac (archétype de la nana un peu cruche et parfois un peu pénible). Toutes ces acrobaties dont certaines très périlleuses (notamment dans les chantiers qui utilisent les décors modernes de Brazilia alors en construction) étaient parfaitement réglées par Gil Delamare, premier grand chef cascadeur du cinéma français.
De nos jours, la plupart de ces situations sont des clichés éculés, mais ça fonctionne bien, il faut voir le film avec du recul et fermer les yeux devant quelques incohérences, c'est de l'excellent cinéma populaire de qualité qui mêle action, exotisme, fantaisie, charme et même grand spectacle dans un esprit très BD, un petit régal à une époque où le cinéma français alors encore dans sa phase Nouvelle Vague, glissait vers le cinéma-spectacle insouciant et décontracté, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

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le 30 sept. 2018

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