L'Homme de San Carlos par Karalabe
Western particulier, comme énormément de séries B, qui pouvaient se payer le luxe d'amener des propos et sujets un peu plus fâcheux avec un traitement différent souvent particulier, voir original...ce qui n'est, hélas, cinématographiquement parlant pas trop le cas ici.
''Walk the proud land'' narre les aventures d'un missionnaire athée, agent des affaires indiennes, figure historique très connue et importante dans l'univers du western; John Philip Clum.
Non seulement, en vrai, il arrêta Geronimo sans que le sang ne coule (ou si peu)... enfin jusqu'à ce que quelques temps après l'armée US envenime les choses et provoque de nouvelles révoltes apaches, mais il fut également journaliste et maire de Tombstone...se liant d'amitié avec Wyatt Earp (alors shérif) et sa bande/famille...c'est d'ailleurs un peu grâce à lui qu'on doit des écrits sur les Earp et l'affaire de OK Corral.
Bref, un personnage historique important mais évidemment, hélas, souvent mis en retrait dans les westerns pour la simple raison qu'on ne lui connaît aucun fait d'arme.
Alors dans ce film que pouvait-on raconter? San Carlos, réserve apache près de Tucson, alors dirigée par un régiment de cavalerie, sous les ordres d'un général belliqueux...
Audie Murphy et son visage de poupon arrive sans jamais avoir croisé une plume d'indien de sa vie et prend en charge l'administration de cette réserve, mandaté par le gouvernement Ulysse Grant.
Ce qu'il y a d'étonnant dans ce western c'est la relative absence d'action...tout passe par la parole ; meilleure arme jamais inventée et les indiens sont loin d'être représentés comme des moutons, des naïfs...leur parole est mise aussi en évidence.
Je trouve dommage par contre que le scénario passe trop de temps à brosser l'aspect guerrier des apaches, par exemple leur revendication au sujet des fusils (pour la chasse, au gibier et à l'homme blanc)...ce qui leur donne un coté 'fou de la gâchette', malgré toute l'empathie créée pour faire comprendre que ces tribus étaient au pied du mur, souffraient de la famine et sentaient bien qu'ils vivaient là leurs dernières décennies...
Autre point qui m'a dérangé par sa mise en évidence, c'est le coté 'bon père blanc', qui amène finalement plus de SA civilisation (construit un magasin, des maisons typées 'occidentales', instaure l'élevage) en n'absorbant que des détails de la culture dans laquelle il est, par la force des choses, obligé de vivre...il n'adopte qu'une tenue à frange, même pas apache-look.
J'ignore si le personnage historique étaient tombé tel un Jeremiah Jonhson de plein pieds dans cette culture 'rouge', mais j'aurais trouvé amusant, intéressant de montrer comme une sorte d'assimilation à la culture apache de la part de John Clum, et ne pas juste se contenter de rester dans le factuel.
Par ailleurs il y a Anne Bancroft grimée magnifiquement en apache dans ce film. Non seulement c'est une autre excellente raison de voir cette série B, mais l'intrigue secondaire entre elle, Audie Murphy et sa fiancée blanche (Pat Crowley) est fort intéressante. Non pas uniquement un banal triangle amoureux, mais toute une progression vers la compréhension de l'altérité...avec Audie Murphy qui est là pour se ramasser les savons.
D'ailleurs son personnage est une 'crevette', courageux, brave et franchement couillus, mais qui se fait sonner par les ivrognes de Tucson, étranglé et tiré dessus par quelques apaches hargneux...et franchement parfois dans les westerns ça fait du bien d'en voir des caractères ainsi...non pas que le genre en manque cruellement, mais c'est toujours un magnifique pied de nez aux cuistres qui pensent que le western américain classique est irréaliste, avec des héros surpuissants et manichéen au possible. Bah non.
Pour finir, coté mise en scène, rien à signaler un travail propre et efficace, mais impersonnel. Peu de plans marquant par leurs compositions, tout est assez factuel, mais ça ne m'a jamais ennuyé...