Un biologiste qui lors de ses temps libres milite dans une association pour le désarmement est assassiné par l’État Français alors qu'il allait apporter des preuves comme quoi Jean Yanne (président de l'organisme étatique de l'armement français ou quelque chose du genre), Michel Bouquet (chef des services secrets) et le ministre de la défense se livrent à des 'doubles' trafics, en vendant des armes aussi bien à un état africain (légal) qu'à des rebelles de ce même état (illégal) avec l'aide d'intermédiaires officiels du gouvernement italien.
Monica Vitti, amie de ce professeur prend le relais et menace de tout dévoiler par conférence de presse...heureusement l'état veille.


Il est étrange qu'un film français d'André Cayatte -qui est loin d'être un inconnu-, avec Jean Yanne -grande idole populaire-, Monica Vitti, Michel Bouquet, pour ne citer qu'eux, soit aussi oublié qu'une perle d'orient au nom imprononçable ou qu'un film d'auteur tchécoslovaque enterré par la censure.
Oublié n'est pas le terme exact, d'ailleurs j'aime pas l'utiliser. Comme si les admirateurs de Jean Yanne et de André Cayatte (et il en existe) pouvaient oublier l'existence de ce film.

Vraisemblablement une, sinon la, cause de son 'oubli', est plutôt à chercher du coté du sujet et de son traitement, probablement trop impertinent que pour être diffusé/édité à la même fréquence qu'un bon vieux De Funès. Un peu comme cette Affaire Mattei et autres films italo/français légèrement brûlant « qu'on » s'est efforcé d’écarter tout un temps. Allons, allons, ça fait très complot tout ça.

Je mentirais en disant que ''La raison d'état'' est un film coup de poing, révélateur, qui changera la face du monde. Loin de là, car à moins d'avoir passé les 50 dernières années dans un goulag sibérien, on est tous plus ou moins rodés à ce genre de films et tous plus ou moins habitués quotidiennement à se faire rouler dans la farine par les mensonges étatiques et médiatiques.
Tant est si bien que cette habitude est devenue une arme de défense efficace à l'encontre des voix divergentes comme pourrait l'être ce film de Cayatte; ''croyez vous vraiment que ça se passe ainsi bande de paranoïaques?'' ''Bien sûr que non!'' bêlons nous, ''c'est bien trop gros''.
Parce que l'anus est capable finalement de se dilater dans des proportions assez écœurantes, on se fait enfiler chaque jour avec une certaine indifférence car tant qu'on a de quoi manger, le café du matin et de quoi se distraire, fondamentalement qu'en avons-nous à faire de ce genre d'affaire?

Le scénario du film est sur ce même ton; désabusé. D'ailleurs on a pris Jean Yanne et Michel Bouquet, deux acteurs qui parviennent rien qu'en mimant un buisson de rhododendrons, à faire passer le cynisme et l'ironie.
Et entre les deux la belle Monica Vitti, celle qui remue le vent, symbolisant tour à tour la grande science, les cocos, les idéaux pétris de naïveté ; la petite italienne qu'on va croquer à belle dent.

Trop grossier comme affaire et comme issue... oui et pourtant il est dans cette mouvance de films (français notamment) où l'on s'amusait à tuer l'idéal à la fin;
Ce qui a du gêner c'est que ce film ne se cache pas, comme Icare; ici l'état français est mis en scène, ministres, pingouins officiels, tout est singé à merveille, on a juste créé des états africains fictifs histoire de pas salir les républiques bananières d'alors. Et Cayatte reste dans le populaire, l'explication simple, le complot est dévoilé sans surprise, même exposé oralement par Jean Yanne à Vitti lors des leurs deux entretiens en tête à tête.

Ce simplisme caricatural est sans doute le principal grief qu'on puisse trouver à ce film, mais rarement je n'ai vu une telle façon d'emballer l'entièreté d'un gouvernement dans le sac des pourris...généralement, particulièrement chez les anglo-saxons, il ressort la figure du traître, qui légitime quelque peu les déviances de l'appareil étatique par un ''diantre, nous fumes manipulés par cet infâme Karkov'' ou bien il ressort du merdier et des erreurs un espoir, un personnage secondaire qui...ici rien. La Raison d’État est la plus forte et à droit de vie ou de mort sur les fâcheux. C'est un fait.

Un 8 sur 10 sans doute légèrement généreux, mais j'ai été agréablement surpris par ce ton frondeur et sa logique des événements. En plus des arguments étalés en faveur des marchands d'arme, qui sont tous tellement recevables, un paradoxe intelligent, pour un film qui l'est tout autant malgré ce vernis de simplissime.

Coté cinéma, Cayatte ne cherche nullement les effets ou à créer une ambiance, si ce n'est les deux montages stock-shots d'images de guerre, collés à des moments un peu trop évident...je me rappelle même pas si il y avait une musique récurrente, comme c'est souvent le cas dans ce genre de film. En 1h30 tout rond, il va à l'essentiel, distillant avec froideur et cynisme une mécanique qu'il veut sans nuage, en ne perdant jamais de vue sa trame narrative qu'il veut distrayante, proche du thriller.
Un film finalement en dangereux équilibre entre la caricature romanesque démonstrative -c'est un genre, et avec ce casting et ces dialogues, nul doute que c'est pleinement assumé- mais pertinente et le grand n'importe quoi mais 'bien fait', populaire et parfois drôle...Je ne serais nullement surpris de son impopularité à venir.

Enfin il est amusant de constater que juste avant ce film, TV5 Monde jouait des prolongations du JT de France 2, continuant là la propagande massive anti-Poutine, anti-Crimée, anti-démocratie et préparant si maladroitement pourtant, le terrain favorable à un probable conflit armé d'importance.
Et au milieux de ces informations un petit aparté sur l'inquiétude des ouvriers de Saint Nazaire car menace ultime ! La France pourrait envisager, au troisième degré de sanctions hypothétiques, d'annuler probablement si d'autres pays font aussi des sanctions, la vente des bâtiments de guerre ultra-modernes et de qualité...faut reconnaître la France est loin d'être manchot en science de l'armement, quoi qu'en disent les détracteurs du 'Rafale'.
Comme quoi se foutre de la gueule des gens est un sport politique de haut niveau qu'on pratiquait déjà avec le même brio en 1978 et d'avantage avant...ce qui finalement rehausse le goût de ce 'petit film' de Cayatte qui trouve là un écho d'actualité récente à toute cette diatribe que l'on voudrait croire pure fantasmagorie ou éculée.

Et à Jean Yanne de conclure le film ; ''J'ai connu un légionnaire autrefois. Il s'était fait tatouer merde sur ses deux paupières. Quand il voyait des types comme nous, il fermait les yeux''.
Karalabe
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le 18 mars 2014

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Karalabe

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