Masahiro Makino est un monument du cinéma nippon, demeurant pourtant très méconnu en occident. Sa carrière est impressionnante, réalisant de 1925 à 1972 plus de 270 films (d'après jmdb), sans parler de son travail de scénariste, de producteur, mais aussi plus brièvement de son travail d'acteur. Né en 1908, il est le fils de Shozo Makino, un dinosaure du cinéma puisqu'il est réputé pour être le premier réalisateur de films au Japon. Masahiro a donc forcément débuté tout jeune, comme acteur devant la caméra de son père, avant de passer derrière comme réalisateur. Bien que très jeune durant l'ère du muet, certaines de ses oeuvres de cette époque sont considérées comme d'énormes classiques. Il fut un des grands artistes de cette période, à l'instar de cinéastes comme Minoru Murata, Daisuke Itoh, Heinosuke Gosho, Teinosuke Kinugasa, Tomu Uchida ou Hiroshi Inagaki. Les années passant, il est resté un cinéaste très populaire, spécialiste du jidai-geki, à savoir des films se passant à une époque ancienne (films à costumes). Celle des samouraïs. Difficile de pouvoir en dire beaucoup plus sur son compte. Si ce n'est donc parler de cette découverte de 1959.
Makino faisait forcément figure de vétéran lorsqu'il réalisa ce joli film, complètement inédit dans nos contrées (comme tout le reste de son oeuvre). Produit au sein de la grande Toei, Evil Man of Edo (L'homme diabolique d'Edo) est donc un jidai-geki. Il raconte l'histoire d'une jeune fille, Namino, issue d'une riche et puissante famille, promise à un mariage qu'elle ne veut pas. Avec l'approbation de son arrière grand-père, elle s'enfuie. Déguisée en garçon, elle débarque perdue dans un petit quartier de la cité d'Edo (ancien nom de Tokyo), et est recueillie par un garçon, sa mère, et le professeur Sanshiro. Nous découvrons alors la vie de ce quartier paisible. Le professeur Sanshiro est l'homme qui a rendu la vie dans ce quartier si sereine, en aidant les citoyens qui y vivent. Interprété par une grande star de l'époque, Ryutaro Otomo, Sanshiro est un ronin (samourai sans maître) charismatique et bienveillant. Un personnage 100% positif, très typique de l'image idéaliste du samouraïs bon, sur qui tout le monde peut compter en cas de difficulté. Une image qui sera écornée quelques années plus tard lorsque des cinéastes tels qu'Akira Kurosawa, Masaki Kobayashi ou Kihachi Okamoto réaliseront des films comme Yojimbo, Harakiri ou Sword Of Doom, montrant alors le versant sombre de ces fameux samouraïs aux valeurs pas toujours nobles. Image Idéaliste ? Qu'importe ! Ryutaro Otomo (bien moins connu chez nous qu'un Toshiro Mifune) est formidable, et suscite vraiment la sympathie. Et Makino semble lui même s'amuser de cette image si parfaite, avec deux autres personnages versant dans le comique se comparant sans cesse à notre valeureux héros : "Ce n'est pas qu'il a beaucoup de différence entre Sanshiro et toi... mais plutôt qu'il y a une énorme différence ! - Et toi ? - Peut-être une petite différence !"
Ce sont deux amis fidèles de Sanshiro, et autour d'eux gravitent une jolie ribambelle de personnages, drôles, tristes, gentils ou méchants. Car près de ce quartier se trouvent une sorte de voyant, Doman, un charlatan qui prétend avoir des dons de devin. Celui-ci travaille en réalité pour de riches vassaux, qui ont eux-mêmes des relations avec des hommes de pouvoirs. Se croyant donc tout permis, les habitants en sont par conséquent les victimes idéales. Sanshiro le valeureux devra donc veiller sur "son" quartier, sur ces vilains, mais aussi sur son nouvel apprenti, Sankichi, ou plutôt Namino, la jeune mariée en fuite. Déguisée en garçon, elle s'intégre dans cette nouvelle vie faite de simplicité, se faisant de nouveaux amis, jouant avec les enfants, mais aussi en s'éprenant de son maître. Ce personnage reprend une convention typique du cinéma japonais, et plus largement du cinéma asiatique : celle de le femme déguisée en homme. Un simple kinono masculin et une voix un peu forcée suffit à duper tout le monde, en dehors du spectateur. Nous nous amusons donc fort bien des malentendus qui en découlent.
Masahiro Makino est à l'aise. Sur un scénario bien taillé, et dans un joli scope coloré, il jongle entre comédie, chambara (scènes de combat aux sabres) et drame avec un savoir faire incontestable. La mise en scène est tout à fait classique, mais vraiment impeccable. J'ai ri, je me suis rongé les ongles, et j'ai eu la larme à l'oeil. Du cinéma comme j'aime. En définitive, Evil Man of Edo est un très beau film, qui nous rappelle bien le cinéma japonais des années 50 tel qu'on l'aime, et nous montrant que Makino fils mériterait bien d'être redécouvert.

k-chan
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le 19 févr. 2013

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