Dans ce film situé aux débuts de la carrière de Marcel L'Herbier (et accessoirement premier long-métrage dans lequel on peut apercevoir Charles Boyer, la caution "mauvaise conscience" qui traîne le protagoniste dans les bas-fonds du village — en l'occurrence des "bouges" mal fréquentés où l'on défie la morale en se soulant), impossible de ne pas ressentir un certain bouillonnement créateur. C'est simple, il ne se passe pas une minute sans que l'écran ne soit traversé par un carton illustré / inséré de manière très originale (une typographie et un placement presque toujours de circonstance), sans un effet de montage très appuyé (les surimpressions partielles sont légion, pour faire apparaître des têtes dans une région du champ ou pour suggérer diverses pensées), sans un acteur qui se donne à 200% pour figurer ses états d'âme avec grande persuasion (la palme revient au personnage du père, Nolff, interprété par Roger Karl qui semble invariablement en rogne, ou presque). On sent un L'Herbier en ébullition.
Tout cela est fort stimulant, mais c'est malgré tout bien dommage que ce ne soit pas employé au service d'un récit davantage mobilisateur. L'intrigue a subi les assauts du temps comme les côtes bretonnes subissent les assauts de la mer déchaînée dans le film : c'est une intrigue qui se noue autour d'une considération morale, celle d'un père qui plaçait tous ses espoirs en son fils (l'aînée, une fille, peut bien rester avec sa mère et finir au couvent, il s'en contrefout) et qui ne supporte pas qu'au lieu de venir charbonner avec lui, le rejeton préfère passer du bon temps au bar à boire des coups et consommer quelques flirts — le lieu est vraiment filmer comme l'antichambre de l'enfer. Le père ne vit que pour l'océan et le large, le fils ne vit que pour la ville et ses repaires d'oisiveté... Dans les derniers moments, ce dernier aura un geste franchement déplacé et provoquera la furie du patriarche : la punition est dantesque, puisqu'il finira attaché à une barque et livré aux flots pour un jugement divin. La fessée, à côté, c'est un bonheur.
L'Herbier encapsule toute son intrigue dans un flashback censé illustrer une situation initiale teintée de mystère, avec un homme étrange vivant en ermite dans une grotte, comme frappé d'une malédiction. Le lyrisme employé ici est régulièrement embarrassant dans l'effusion de poésie un poil exagérée dont il abuse, en délaissant quelque peu la chair du mélodrame, mais le caractère incongru du fil déroulé maintient un intérêt non-négligeable pour les plus endurants du cinéma muet.