Whale of Fame.
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Il y a eu beaucoup de monstres au cinéma, repoussants pour leur apparence terrifiante, ou simplement pour leur différence vis-à-vis du commun des mortels. Mais, parmi ces monstres cinématographiques il y en eut un qui avait une particularité bien étonnante : celle de n’être visible de personne, lui valant le surnom simple et évocateur de L’Homme invisible.
L’Homme invisible ne débute pas avec les images d’une expérience manquée qui ôta son initiateur de la vue du reste du monde. Ici le mal est déjà fait, et le scientifique malheureux cherche un endroit où réparer son erreur. Silencieux, à l’apparence singulière, cet homme se frayant un chemin dans le froid se retrouve vite la cible de tous les regards d’une auberge isolée. Acculé, scruté sous toutes les coutures, l’homme s’avère froid, peu amical et exigeant. Cette attitude se justifie par l’empressement dont il fait preuve, cette volonté de s’isoler pour ne pas être vu (ou plutôt ne pas ne pas être vu) pour réparer son erreur. Cette situation pousse le spectateur à se poser diverses questions, notamment à propos de la possibilité que la situation ne se résolve jamais, ou de la capacité à communiquer et survivre sans être vu.
Ces préoccupations tendent à solliciter l’empathie du spectateur. Cependant, l’attitude du personnage principal, pleine de défiance voire de haine, va avoir l’effet inverse. Ce qui aurait pu être une faiblesse pour lui devient une force, et le scientifique s’avère sans pitié envers les autres, leur faisant au mieux des mauvaises blagues, et les violentant, au pire. Replié sur lui-même, il n’est plus concerné par la découverte ou par ce chamboulement dans sa vie, mais par la gloire. De son propre aveu, cet homme invisible voulait réaliser ce que personne d’autre n’avait pu réaliser auparavant, et cette quête farouche de célébrité l’a mené, paradoxalement, à devenir invisible.
Le héros de l’histoire devient ainsi le méchant, celui que l’on voulait voir se tirer de cette situation désastreuse devient celui que l’on veut voir payer pour ses crimes. Pourtant, on est pris d’un malin plaisir de le voir réussir à déjouer tous les pièges qui lui sont tendus. L’Homme invisible crée un véritable paradoxe, en faisant ce pari de faire de son protagoniste un méchant mémorable. Quelque part, nous semblons ici voir les lointains prémisses de ce qui définit le film de super-héros, avec cette vision d’un personnage intouchable, surpassant les autres grâce à ses particularités, et posant des questions sur sa responsabilité vis-à-vis de ces pouvoirs. En prime, il s’agirait ici plus d’un super-vilain, dont nous pourrions voir des héritiers dans nombre de productions futures.
Bien mis en scène, jouant avec intelligence la carte de l’invisibilité tout en la restituant visuellement grâce à des effets spéciaux surprenants, L’Homme invisible est un film rythmé, rusé et dense. Rien n’est dans l’évidence, notamment au sujet du personnage principal et de son comportement vis-à-vis des autres. James Whale, qui avait déjà réalisé le mémorable Frankenstein deux ans auparavant, donne vie à l’écran à l’un des Universal Monsters les plus intéressants et les plus surprenants. Farceur, cruel, malin, impitoyable, si cet homme avait réussi à échapper à notre vue, il a aussi su se faire une place dans notre mémoire.
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Créée
le 13 oct. 2021
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