"Put a warm rug in the car. It's cold outside when you have to go about naked."

Bien que L'Homme invisible soit loin d'être une œuvre parfaite, précise ou révolutionnaire, il est très difficile de réfréner l'immense sympathie qui émane de ce jalon du cinéma fantastique, un genre alors à ses balbutiements dans les années 30. Que ce soit l'immersion dans le sujet, la façon de révéler les péripéties majeures, la progression psychologique du protagoniste, ou encore le jeu entre humour et drame tous deux noirs, toutes les parties se déroulent avec une fluidité déconcertante. Il y a en outre un sens du spectacle bien maîtrisé, qui au lieu de chercher à en faire beaucoup (et risquer d'en faire trop) cherche à surprendre de manière régulière, loin de la démonstration poussive ou de la caricature. Dans ces conditions particulièrement confortables, on attend les séquences comportant des effets spéciaux comme un gamin attendrait ses bonbecs devant un magasin.


Ne serait-ce que l'introduction... Même si les spectateurs contemporains du film en connaissaient vraisemblablement l'objet, étant donné le titre, cette façon de mettre directement les pieds dans le plat est d'une originalité encore perceptible aujourd'hui. L'évolution du personnage de Jack Griffin est aussi intéressante, préfigurant un peu (à confirmer par les experts) l'image de l'anti-héro : on se place de son côté dès le début, victime qu'il est de la population hargneuse et teigneuse, avant de se retrouver dans une position inconfortable, à mesure qu'il sombre dans la folie et la violence furieuse. La propagation de la paranoïa, elle, ne fonctionne peut-être pas tout à fait parfaitement en 2019, mais on pourrait presque en rire, de la tête que font les flics et les commerçants, avec ce mal invisible qui rôde autour, avec les pièges à échafauder, etc.


Et il y a de quoi rester bouche bée devant la qualité des effets spéciaux, tout à fait acceptables vus avec des yeux du XXIe siècle. De vraies sucreries. On imagine tout de suite les préposés à la poudre aux yeux tirer les ficelles reliées à des plaques sous la neige pour simuler les empreintes de pas de l'homme invisible avec grande délectation. Quant au rire sardonique surjoué de Claude Rains (dans un rôle un peu ingrat, quand on y réfléchit, vu qu'on le verra uniquement 30 secondes à la toute fin), délicieusement théâtral, il est divin. L'amoralité de son personnage, qui termine sur une folie furieuse hors norme (il tue à tout-va, en jetant certains par-dessus une falaise ou en faisant dérailler un train), reste profondément marquante.


Quand on imagine qu'en réalité, on a à faire à un nudiste tueur et rieur sous la neige... ça laisse songeur. Il doit exister des versions alternatives pas très orthodoxes.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Homme-invisible-de-James-Whale-1933

Morrinson
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le 25 oct. 2019

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