Whale of Fame.
James Whale, son exubérance et malgré ça, son souci du détail. Son amour immodéré pour les seconds rôles truculents (la patronne de la taverne et sa bruyante hystérie), pour les décors qui posent...
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le 24 juil. 2013
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--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au deuxième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Je commence à bien connaître les revers du mois-monstre, alors bien que le film d'hier m'ai séduit, je ne m'en enthousiasme pas trop pour autant. Car ce que j'ai vu, ce sont des pièges, habilement évités, des difficultés, aisément surmontées... Pour cette fois. Ce que j'ai ressenti, c'est aussi un attendrissement face aux premiers pas d'un monstre dans le monde du cinéma, un film profondément relié à son époque ; je suis passé outre certaines facilités, j'ai pardonné certaines grossièretés, que je ne pardonnerai plus aux prochains films. Je vais devenir exigeante et aigrie, comme tous les ans, au fur et à mesure que les tentatives d'invisibilité défileront sous mes yeux. Je ne m'enthousiasme pas donc, je temporise. Ce n'est parce que l'homme invisible a réussi hier, qu'il réussira ce soir. Je lance donc le film de ce soir méfiante, ma gardant bien comme cela de tout sentiment de déception.
Je ne sais pas exactement ce que je viens chercher à fouiller du coté du roi de la dissimulation, mais une chose est certaine, c'est que si, comme je le suppose, notre monstre du mois n'est pas qu'une pure invention de l'esprit de son créateur, celui-ci a du le côtoyer de près... Car la première adaptation en long-métrage de l'œuvre de Wells, que j'avais lu il y a de cela plusieurs années, a cette façon curieuse d'être fidèle à l'âme du livre, sans être pour autant fidèle au récit. Tout cela fourmille de détails, de précisions qui pourraient paraitre loufoques, si elles n'étaient pas d'une si implacable logique. Le livre est génial pour son mystérieux degré d'exactitude, et le film s'applique à marcher dans les pas de son maitre, s'essayant à être chirurgical, précis, scientifique et neutre. Cependant je reste perplexe. La fidélité n'a jamais été le cheval de guerre de Universal Monsters, et le réalisateur même de ce soir, James Whale, nous avait démontré un an plus tôt son habilité à faire du gothique visuel à partir d'un livre d'horreur, en adaptant avec brio le *Frankenstein* de Mary Shelley. Seulement troisième film depuis le succès de *Dracula*, ayant relancé l'univers Universal Monsters, *L'Homme Invisible* s'applique à ne pas utiliser de ressorts cinématographiques pour faire peur. Seul son scénario apporte un peu d'horreur au tout (un tueur fou invisible, oui ça a un assez fort potentiel horrifique), mais du reste, le film semble plus intéressé à mettre en scène des effets spéciaux rigolos. S'ils cherchaient par là la démonstration de force, le film de de Chomón, de 20 ans son ainé, rend celle-ci un peu risible...
D'autant que de Chomón avait eu l'intelligence d'évaluer ses limites, et de ne pas mener son intrigue là ou celle-ci les auraient révélées. S'appliquant à bien respecter son matériau d'origine, comme un élève modèle, le film de Whale quant à lui fonce droit dans le mur sans s'en soucier. Le scénario qui s'auto-sabote pour se forcer à inclure des effets spéciaux, c'est quelque chose que j'avais déjà vu dans le mois-monstre, mais un scénario qui saborde lui-même des effets spéciaux qui étaient pour le reste réussis, je crois que c'est une première ! Car en bon petit soldat, le film répète poliment après son maître : « je ne dois pas me montrer dans l'heure qui suit un repas, car les aliments restent visibles tant qu'ils ne sont pas entièrement digérés. Par ailleurs je ne dois pas sortir si il pleut ou si il y a du brouillard, car ma silhouette serait ainsi révélée en négatif ». Cette précision n’aurait pas été oralisée, personne ne se serait ému de voir le personnage fumer sans voir la fumée remplir ses poumons. Personne n'aurait bronché de cette fin, où le personnage sort d'une grange enfumée, sans pour autant que sa silhouette ne se dessine dans celle-ci. Il ne manquait vraiment pas grand chose, un simple soupçon d'intelligence et de retenue, pour que le film soit réussi... Enfin, ça et aussi....
Mis à part son réalisateur, le générique est peuplé de pales inconnus, et le métrage de très mauvais comédiens. Par pitié, rendez-nous Lon Chaney, John Carradine, ou même Bela Lugosi, dont la théâtralité démesurée avait au moins le charme d'un dandysme clinquant. Le meilleur de ce soir serait peut-être le rôle titre, malheureusement pour lui, l'essence même du film nous prive de toutes ses expressions de visage... Les sommets sont atteints quant il est demandé aux acteurs de feindre de se battre avec l'homme invisible... D'ailleurs, la situation est généralement évitée, comme si le metteur en scène lui-même avait conscience des capacités limités de ses comédiens, et d'avantage confiance en ses effets spéciaux gadget mais, avouons-le, plutôt propres. Je ne parle même pas des femmes, aussi mal écrites qu'interprétées, de la jeune potiche éprise à la prétendue bravoure ridicule ; à l'insupportable femme de l'aubergiste, tantôt mégère agressive, tantôt sorcière hystérique, poussant des cris aussi insupportables qu'inexpliqués. Les comédiens sont mauvais dans le pire des cas, fades au mieux. A l'image d'un département artistique absent, produisant des images neutres dans des décors neutres, sous des angles attendus. De clairs obscurs inquiétants ? Point. De livides silhouette déclenchant sur leur passage de lugubres cris d'épouvante ? Pas plus. Le film est lumineux, et son rôle titre est en fait assez rigolo avec tous ses bandages, son faux nez et ses grosses lunettes d'aviateur. Quand il retire ses effets, c'est l'apothéose, qui fait applaudir les enfants entre deux bouchées de pop-corn : le divertissement au plus haut, l'effroi au plus bas. Pourtant je suis à peu près certaine qu'Universal et Whale cherchaient bien à faire un film d'épouvante, dans la directe lignée de ses prédécesseurs : *Dracula*, *Frankenstein* et *La Momie*. Mettons de coté La Momie, je n'ai ni lu ni vu ni rien du tout, je ne sais pas de quoi on parle. Mais en ce qui concerne *Dracula* et *Frankenstein*, il est assez évident que la firme s'emparait d'un livre de pure gothisme, et qu'il n'avait ni à trahir l'ambiance originale, ni à beaucoup innover pour livrer à partir de ça des films macabres et ténébreux. Mais en s'affairant à illustrer le livre de Wells, les loustiques de Universal Monsters sont tombés sur un os : le livre certes fait peur, car son détachement et son implacable précision scientifique le rendent terriblement inquiétant. Malheureusement, force est de constater que, porté tel quel à l'écran, la sauce à épouvante ne prend pas. Pourquoi ? Voila un mystère que je vais tenter d'élucider dans les jours à venir...
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Créée
le 20 oct. 2021
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