Pile ou face... le hasard... en plus d'être au coeur du film, c'est aussi une manière de décrire la carrière de Woody Allen (enfin, surtout depuis une vingtaine d'année) dont on aurait autant de chance de piocher une oeuvre de qualité, qu'une décevante, parmi sa faste filmographie. Malheureusement Irrational Man fait partie de cette seconde catégorie, comme une majorité des films du New-Yorkais depuis quelques années.


À la manière d'un Clint Eastwood, Woody Allen ne prend guère de repos et continue de tourner au rythme d'un film par an et, après un passage mitigé en France avec Magic in the Moonlight, il retourne aux États-Unis, avec sa nouvelle muse Emma Stone, pour nous faire suivre la rencontre entre une étudiante et un professeur de philosophie dépressif. Si l'oeuvre se laisse regarder sans réel déplaisir, notamment grâce à un certain savoir-faire du metteur en scène d'Hannah et ses soeurs, elle n'en reste pas moins décevante et surtout assez vide de sens, sans aucune dimension particulière, sensation, émotion ou même matière à réfléchir.


Le cinéaste puise dans sa propre filmographie, notamment le brillant Crimes et Délits, mais semble réciter une recette qu'il connaît par coeur sans grande passion, ni âme. Il brasse de nombreuses thématiques (l'existentialisme, le meurtre, la morale, l'amour etc) que l'on a déjà vu dans son cinéma, avec plus ou moins d'importances et de cynismes et servant une histoire, d'abord plutôt intéressante. Pourtant, et c'est là que le bât blesse vraiment, il peine à la rendre passionnante, à lui donner cette étincelle, force ou encore sensation que l'on trouvait dans, par exemple, Match Point, dont il se rapproche ici, notamment dans la seconde partie de l'oeuvre. C'est réellement dommage car l'approche même du film est plutôt intelligente et intéressante, Woody Allen souhaitant s'éloigner des films "cartes postales" pour se rapprocher justement d'un Crimes et Délits, mais s'en jamais atteindre la maestra qu'était la sienne à l'époque.


Jusqu'au final, mal maitrisé et même grotesque lorsque l'on connaît la filmographie du New-Yorkais (Match Point semble à des années-lumières), il laisse ses acteurs réciter leurs textes sans grande passion, surtout une oubliable Emma Stone, alors que Joaquin Phoenix arrive-lui à donner une certaine consistance à son personnage. Là où l'oeuvre se révèle plutôt agréable, c'est dans la façon dont le réalisateur de Bananas se montre parfois imprévisible dans le développement de l'intrigue, voire même du personnage de Phoenix, ce mélange entre psychologie et polar qui, s'il se révèle parfois maladroit, se montre aussi imprévisible que par moments savoureux. Dommage donc que cela soit bien trop insuffisant pour sauver l'oeuvre de ses nombreux errements...


Continuant de tourner au rythme d'un film par an, Woody Allen se montre, une fois de plus ces dernières années, décevant et livre une oeuvre récitée avec un certain savoir-faire mais sans passion, sensation, force ou émotion, se montrant même parfois maladroit et se rapprochant d'un Crimes et Délits sans jamais en atteindre le génie.

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le 30 déc. 2015

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