The edge of the city a ce privilège d'offrir un moment de cinéma emprunt d'une profonde nostalgie, par des rapports francs et naturels et où un simple dialogue donnait aux échanges perspicacité, spontanéité et simplicité.
Martin Ritt joue du progressisme ou tout du moins d'une volonté par le personnage de Tom (Sydney Poitier), marié et père de famille, heureux... et content de l'être. On pourra trouver à son personnage le cliché de l'homme noir, (désinvolte, gouailleur, le sourire au lèvres, parfait danseur) mais ce sera aussi ce qui contribue à dénoncer toute la fatuité des autres comportements, étant lui-même ce qui semblerait échapper aux autres, déjouer la lutte constante à gagner sa liberté. Le plaisir de vivre dépasse de loin les vicissitudes de la vie.
Une amitié interraciale qui unira nos deux compagnons, travaillant sur les docks, et où le malheur viendra d'un contremaître raciste, sournois et violent, dans une société qui a du mal à donner sa place à l'autre quel qu'il soit. Axel Norman (John Cassavetes) qui arrive en ville pour chercher du travail, semble inquiet de tout. Et c'est ici l'homme blanc qui est en difficulté, qui fuit, qui a peur, qui n'a aucun contact social, en rupture familiale qui sera sauvé par la profonde empathie de Tom, comme remède au mal ambiant. On en saura très peu sur ce personnage, mais de cette nouvelle amitié, dépendra son salut. Il prendra conscience du chemin qu'il faudra faire pour lutter contre sa faiblesse, son mal-être, et ce ne sera que dans le drame, que peut-être, il parviendra à se dépasser. C'est bien tout le charme de cette histoire par la réussite à pointer l'importance du lien.
Même si le portrait de la société reste en filigrane notamment dans celui des classes sociales et malgré de nombreuses faiblesses dans la gestion des scènes d'action, la maîtrise des décors et de l'espace, ramène subtilement le thème de l'enfermement.
On est surpris de l'émotion qui gagne et de la force de certains scènes, des contacts physiques où la virilité laisse place à l'attachement, des dialogues pleins d'humour et jubilatoires.
Sydney Poitier tient pratiquement toute la place, et le caractère bienveillant de son personnage vient rejoindre l'humanisme de Martin Ritt.
Un melting-pot étonnant finalement mais qui donne envie d'aller plus loin dans le cinéma du réalisateur.