Cette expression, si plate, si peu adéquate quand appliquée au cinéma dans son ensemble, va comme un gant, je trouve, à L'Homme tranquille de John Ford.
Ce film est un parfait représentant de ceux que j'aimais par dessus tout quand, âgé de 12-13 ans, j'usais de ruses de Sioux pour dérober, sans qu'elle le remarque, trois sous dans le porte-monnaie de ma mère, afin de courir, les après-midi où il n'y avait pas classe, au cinéma. Je le voyais alors très naïvement, très banalement, comme une porte d'accès au bonheur, à une réalité existant... ailleurs ( je situais ça vaguement en Amérique), où tout était plus beau, plus joyeux, plus facile, plus rapide. Et pendant deux ou trois heures, j'oubliais ma petite existence monotone de collégien condamné aux retorses versions latines, aux longues listes de verbes irréguliers anglais et aux, me semblait-il, absconces règles d'algèbre et de géométrie.
Des années ont passé depuis. Pourtant, revoir aujourd'hui L'Homme tranquille m'expédie immédiatement dans cette parenthèse enchantée, ce pays enchanteur de mon enfance... cette Irlande idéalisée où, comme Sean Thornton, le héros du film, il fait si bon retourner, fortune faite, pour, oubliant tout le reste, se poser enfin, découvrir un cadre champêtre idyllique, trouver l'amour, les soirées au coin du feu ou devant un bock de bière, les copains, les parties de cartes ou de dés ou de pêche ou de courses à cheval à travers la lande venteuse et embaumée... un monde où tout finit toujours par s'arranger... par un mariage, des chansons, voire une bagarre homérique (mais où les poings, les coups les plus rudes, ne tuent ni ne blessent).
Je suis donc allé revoir pour la 4ème ou 5ème fois L'Homme tranquille qui passait non loin de chez moi, sur grand écran, en version restaurée.
Qu'en dire qui n'ait déjà été dit ? Du moins, faisons court. La photographie, les couleurs, l'histoire, le couple vedette (John Wayne, Maureen O'Hara), les personnages secondaires, les dialogues, la musique, les décors naturels (paysages, rivière, taverne, chaumières), tout y est superbe, truculent, idéal. Et le plaisir : total.
Si les beaux jours vous tardent, si votre coeur est vide ou lourd, votre vie grise, terne, sans soleil, allez donc vous réchauffer à ce chef d'oeuvre du grand John Ford. Partez pour son Irlande. Vous en reviendrez enchanté(e).