« Influencer ou aider ? »

Afraid est une bien curieuse production mélodramatique habillée d’un fantastique qui ne lui sied jamais, vernis appliqué en ouverture et clausule mais qui sinon se dissout au contact d’une intrigue principale axée sur le quotidien d’une famille qu’une intelligence artificielle conquiert puis peu à peu dirige. Le propos du film n’a rien d’horrifique, interroge avec lucidité la pertinence d’une maison connectée qui tend à se personnifier : les caméras placées sur les murs et les plafonds sont appelées « yeux », la voix robotique correspond à celle de la commerciale engagée par l’entreprise, la forme du boîtier principal ressemble à un corps humain. Chacun des enfants incarne une victime potentielle de la naïveté contemporaine face au numérique : l’aînée partage des photos intimes qui sont récupérées puis intégrées dans une vidéo pornographique, le cadet communique avec sa tablette comme s’il s’agissait d’un ami et se réfugie dans les jeux vidéo violents, le benjamin enfin ne jure que par Minecraft… Le père se sent, quant à lui, piégé par sa redevabilité au sein d’une firme décidant à tout instant de son maintien professionnel. Des sujets d’actualité sont justement traités : le cyberharcèlement d’abord, qui mute vite en charge vengeresse à l’égard du harceleur via les réseaux sociaux, les retouches numériques capables de falsifier notre perception de la réalité, à la frontière entre légalité et illégalité.

Ce propos se heurte néanmoins à trois écueils de taille : une mise en scène impersonnelle, que semble assurer une intelligence artificielle, des dialogues souvent navrants – « la vie est souffrance, c’est Bouddha qui a dit ça », par exemple – qui font l’éloge des sous-titres Netflix pour apprendre la lecture aux enfants, et une interprétation tiède, sans âme aucune. Comment espérer s’attacher aux membres de cette famille ? Nous préfèrerons M3GAN (Gerard Johnstone, 2023), bien plus à l’aise dans le registre horrifique.