Un mélodrame qui commence sous de bien mauvais auspices avant - heureusement - de corriger le tire.
Le premier tiers est totalement fade, impersonnel et transparent, entre 2 chansons qui sentent le remplissage (histoire d'atteindre les 70 minutes ?), des décors sans caractère, une photo un peu plate et une mise en scène dans l'ensemble inodore. On ne peut pas dire qu'on prenne beaucoup de plaisir à cette histoire par ailleurs assez conventionnelle pour un univers qui ne semble pas correspondre à la sensibilité du cinéaste.
Mais c'est oublié qu'il est lui-même le scénariste, adaptant une histoire de Matsutarô Kawaguchi (l'auteur de pas mal de Mizoguchi). Une fois que le soupirant est mené derrière les barreaux, l'histoire se recentre sur la chanteuse qui se sent obligée d'aller voir les escroqués pour tenter de les convaincre de changer l'argent volé en argent prêté afin de faire libérer le responsable ; non pas amour ni culpabilité mais pas sentiment de responsabilité envers la mère du prévenu. Cette tournure du scénario est un peu plus intéressante et originale même si je trouve que le développement n'est pas aussi fort qu'on pourrait l'espérer. Le film date certes de 1956 mais j'imagine ce que ça aurait donné entre les mains d'un Masumura par exemple et qui aurait mieux mis en valeur les compromissions morales de l'héroïne obligé de se rabaisser pour accomplir sa tâche, renvoyant à sa propre condition. On aurait sans doute gagner en noirceur et ambiguïté (prostitution, chantage, hypocrisie, dérive du capitalisme...) mais Shimizu n'étant pas Masumura, il effleure ces aspects pour mettre davantage en avant une femme entre abnégation, sacrifice et empathie comme il l'a déjà fait dans sa carrière. Ca lui inspire quelques idées accompagnant l'état de lassitude et de fatigue tel les travellings ne moins en moins dynamiques qui suivent l'héroïne dans les escaliers menant à son appartement.
La fin, refusant le happy end de la réconciliation, est assez belle avec une amer mélancolie où triomphe surtout la solitude, portée par une photographie nocturne enveloppante.
Les 10-15 dernières minutes donnent in extremis une réelle saveur à [b]L'idiot sentimental[/b], sans gommer tout de même le sentiment d'être passer à côté d'une grande œuvre. Doublement frustrant donc.

anthonyplu
5
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le 12 juin 2021

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