J'avoue avoir été constamment bluffé par ce petit film qui dépasse à peine la dizaine de minutes.
Un documentaire qui s'intitule "L'île aux fleurs". Vous savez quoi ? Je m'attendais à un truc écolo, moi !
Quelle ne fut pas ma surprise en rencontrant Monsieur Suzuki, en entendant dire que les Japonais étaient des humains, et que ces mêmes humains se reconnaissaient à leur télé-encéphale développé et au pouce préhenseur.
Je m'éloignai donc du documentaire écolo, mais pour aller vers quoi ?
Une grande farce, ai-je d'abord pensé. Le rythme syncopé, la voix du narrateur (je l'ai vu en VF, et la voix est assez savoureuse), les running gags, les sauts constants et illogiques d'un sujet à l'autre, ça ressemblait presque à du Monty Python.
Bien entendu, l'image des montagnes de cadavres juifs dans les camps m'a refroidi, mais j'avais d'abord pris ça pour une faute de goût (maintenant que j'ai vu le film en entier, je comprends parfaitement ce que ça fait là, mais j'y reviendrai au bon moment).
Et puis, il y a ce final.
La décharge.
Les enfants.
Les familles, qui sont à peine des humains parce qu'ils n'ont pas d'argent.
Le parcours de cette tomate, rejetée par la famille, jugée trop pourrie pour les cochons mais pas pour les pauvres.
Ce sentiment de révolte qui débarque, soudainement, sans crier gare. D'autant plus efficace qu'il est inattendu.
Et nous y voilà. Voilà donc le sujet, à la fois bien caché et évident dès le début si on savait quoi regarder.
L'île aux fleurs est une attaque frontale du capitalisme.
Prenant la forme d'une démonstration par l'absurde, le documentaire nous montre un monde où l'argent est roi, où tout se fait par l'argent, où tout se juge par l'argent également.
Et où l'argent nous incite à faire les pire horreurs.
Alors, que viennent faire les victimes des camps d'extermination dans ce plaidoyer ?
Je me souviens d'une citation d'Aimé Césaire, dans son Discours sur le colonialisme : "le capitalisme, c'est Hitler". Le nazisme, la Solution Finale, c'est l'aboutissement logique du capitalisme. A force de tout traiter comme des marchandises, à force de traiter les humains comme des marchandises, il devient logique que la vie humaine perde sa valeur. Qu'on décide de se débarrasser d'humains comme de denrées pourries.
Des décharges de détritus aux décharges de cadavres, il n'y a qu'un pas. La logique est la même.