Je vais recevoir une poignée de tomates pourries sur la tronche, mais je dois dire que je n'ai pas du tout aimé ce documentaire, et j'ai un peu de mal à comprendre ce qui a tant plu à beaucoup de senscritiqueurs. Voyons pourquoi.
Ce documentaire, raconte, entre autres, l'itinéraire d'une tomate, du producteur au consommateur, que celui-ci soit une femme de la classe moyenne, un porc ou des pauvres récupérant ce qu'il en reste dans une décharge publique.
Ce qui d'emblée surprend, c'est le ton employé par la voix-off, un peu comme si un extra-terrestre expliquait à ses compatriotes ce qu'est un humain, un Japonais, une tomate, un parfum, l'argent, etc.
Tout n'est en effet pas à jeter dans ce film, et j'ai aimé ce ton si particulier, cette espèce d'analyse clinique de notre société. C'est froid mais du coup, le décalage crée du comique.
Le propos est caricatural, mais même si c'est simplifié à l'extrême, certains passages sont plutôt réussis, par exemple quand on nous explique assez bien la naissance de la monnaie.
J'aime aussi les digressions, ça part dans tous les sens, c'est un peu surréaliste, en tout cas c'est surprenant. Voilà pour les bons points.
Mais il y a dans ce film pas mal d'éléments qui me gênent, qui posent problème, et qui nuisent à mon avis au regard qu'on peut porter sur lui.
D'abord, c'est un peu daté, notamment la musique, et l'ensemble est plutôt kitsch voire très moche. Mais jusque là, rien de rédhibitoire, ça n'est pas bien grave.
Plus gênant, le passage sur les Juifs, totalement inutile et du coup, on se demande bien ce que ça vient faire là. On parle de la création de la monnaie au septième siècle avant Jésus-Christ, puis on nous explique qui est Jésus, que c'était un Juif (jusque là, pourquoi pas, même si on s'est pas mal éloigné du propos initial, à savoir la tomate) puis « Les Juifs ont le télencéphale hautement développé et le pouce préhenseur. Ce sont donc des êtres humains ». Dans la même logique d'analyse extérieure au monde humain qu'on avait depuis le début. Pourquoi pas, même si dans un autre contexte, on aurait pur taxer ça d'antisémitisme. Le problème est que les images qui passent en même temps que ce propos sont des images de la Shoah, des cadavres entassés dans les camps. Qu'est-ce que ça vient faire là ? Quel est le rapport avec la tomate, avec la société de la fin du XXème siècle, avec le néo-libéralisme ? Quel est le but de Furtado ? (si quelqu'un a mieux compris que moi, n'hésitez pas à m'expliquer !). C'est complètement incohérent, sauf à faire une blague de très mauvais goût sur les Juifs, d'autant plus que ça repart ensuite, sans autre commentaire, sur l'économie. A d'autres moments, les images proposées ne correspondent pas au propos de l'auteur, c'est donc un parti pris surréaliste, on adhère ou pas.
D'autres éléments me dérangent, par exemple une vision passéiste de l'enseignement de l'histoire.
Et puis si le procédé, original, de la description clinique, de la digression et de la répétition peut légitiment faire sourire, mais ça va deux minutes, je trouve qu'on se lasse assez vite de ce comique de répétition.
Surtout, je ne vois pas ce qu'il y a de neuf dans L'île aux fleurs, ce film n'apporte strictement rien, si ce n'est qu'il caricature à outrance la réalité. Si le but était seulement humoristique, la fin aurait été différente, infiniment moins pesante. Là on ne peut pas dire que ça finit drôlement, la tomate nous laisse un goût amer dans la bouche. Pourquoi pas mais si c'était un film à réelle visée documentaire, il serait plus beaucoup plus sérieux sur le plan du contenu. Ok, il nous apprend qu'il y a des inégalités dans le monde, et ici dans une même ville, et que certains humains sont moins bien traités que des cochons. Ok, ce n'est pas faux, je ne nie pas le constat, je suis même d'accord avec l'échec du néolibéralisme, mais le côté humoristique nuit au propos, il y a un hiatus dérangeant entre le fond et la forme, et au final, comme je l'ai déjà dit, une fois le film terminé, on n'a strictement rien appris.
Soit le propos est juste là pour faire rire et il en reste là, soit c'est un documentaire à but un peu moralisateur, et là, il doit être beaucoup plus sérieux et éviter les incongruités.
Bref, un film qui me laisse assez dubitatif : un film pessimiste, toujours d'actualité mais qui n'apporte rien de neuf, et qui au final ne s'avère pas aussi drôle qu'il aurait pu être, malgré d'excellentes idées. A voir tout de même.