Sinatra ? Ah, oui, le fameux réalisateur...
Honnêtement il y a de quoi rester sceptique quand on s’apprête à voir l’Ile des Braves. Pondu par Frank Sinatra à une époque où les films de guerre pullulent comme des lapins, on s’imagine aisément le métrage tourné à la va-vite entre deux enregistrements de la Voice, tourné pour sa gloire personnelle. D’autant plus que c’est son unique film en tant que réalisateur. Néanmoins le film se permet visiblement d’être la première coproduction Americano-Japonaise, et puis le pitch donne envie : des Américains se retrouvent à la suite d’un crash isolés sur une île occupée par des Japonais qui sont dans la même situation.
Eh bien ça n’est pas si mal. Ce qui m’a d’emblée surpris, c’est que c’est un film propre, et plutôt bien mené. Je m’attendais vraiment à quelque chose d’assez plat et amateur dans la réalisation, où Frank Sinatra squatte tous les plans. Que nenni, il interprète d’ailleurs un second rôle. Sans atteindre le génie de Boorman dans Duel dans le Pacifique, Sinatra (ça me fait bizarre de parler de lui en tant que réalisateur) est très honnête dans son travail. Il arrive à exploiter le formidable paysage du Pacifique (avec une photo pas trop mal, d’ailleurs), et offre même certaines séquences vraiment bien foutues, je pense notamment à celle du crash de l’avion Américain. Ça n’est que quelques plans, mais ça a de la gueule là où d’autres réalisateurs auraient utilisé un trucage peu convaincant. Et comme dans nombre de productions de l’époque, le John Williams en début de carrière qu’on retrouve à la composition s’en sort bien.
Là où le film pêche plus, c’est dans son écriture. Si le concept est intéressant, et peut être passionnant, il n’est hélas exploité que de manière assez superficielle. Les personnages sont peu travaillés, et souvent caricaturaux, celui de Sinatra en tête. Un gentil bonhomme porté sur la bouteille, c’est presque tout le temps trop facile. On se dit que c’est dommage, qu’il y a un manque d’ambition dans le film, qui aurait vraiment pu pousser les choses très loin dans cette confrontation des cultures. Mais non, et il faudra à nouveau attendre que John Boorman le fasse avec Duel dans le Pacifique. Et a plus d’une reprise, lors de certaines séquences, certaines confrontations, on se dit « mais oui, là tu tiens du beau cinéma, tu tiens un filon, quelque chose à dire » , mais hélas cela ne va pas plus loin, et la subtilité n’est pas vraiment au rendez-vous dans les dialogues qui ressassent du déjà-vu sur la guerre, les hommes, la fraternité, etc...
Rien de catastrophique cela dit, mais les bases étaient posées pour faire quelque chose d’excellent, et si on peut tout de même saluer l’effort et l’originalité pour 1965 de proposer cette rencontre, on en ressort nécessairement déçu, tant le sujet est passionnant, et éternellement d’actualité. On en retiendra un divertissement sympathique bordé de plusieurs bonnes idées, et étonnement plutôt bien orchestré par le réalisateur Sinatra.