Il y a le ciel, le soleil et l’amer.

(Série "Dans le top 10 de mes éclaireurs : Before-Sunrise)

Au bout d’un certain temps, une demi-heure peut-être, on prend conscience d’une chose étrange : personne n’a parlé et le récit n’a pas commencé.
Emportés par la poésie des lieux et la méticulosité accordée à cette tâche ardue qu’est l’apport d’eau douce sur cette île, rivés à ces corps qui ploient, la verticalité de l’ascension, on en a occulté nos attentes traditionnelles.
Fondé sur la répétition incessante d’un labeur quotidien, le récit s’articule autour du montage, partition épurée combinant les variations de motifs élémentaires : la rame, les seaux, l’eau bue par la terre, une pomme de pin bercée par les vagues. La musique fonctionne elle-même sur ce principe, avec une ambivalence encore accentuée : légère, mélodieuse et solaire, elle semble tout d’abord en contradiction avec le registre néoréaliste auquel tend le film. Mais sa répétition lancinante tend aussi à une forme de mélancolie que le récit prendra plus tard en charge.
La splendeur des décors et des plans, l’eau scintillante et la glissade de la barque, le jardin où l’on mange avec ses enfants peut contrebalancer un temps l’absurde de toute cette entreprise, son ironie aussi, par laquelle on doit quitter une île pour aller s’approvisionner en eau douce.
Le langage n’apparaitra jamais, mais l’élément perturbateur, si, et par l’entremise de gestes essentiels : une gifle, un bras d’enfant qui tourne et annonce au large la catastrophe imminente. Dès lors, la lenteur jusqu’alors dévolue au travail agricole prend des proportions tragiques : la traversée, la recherche du médecin et les plans de plus en plus larges accentuent la dérisoire course contre le temps et les distances.
Vision pessimiste d’une existence ou la seule interruption, cette visite à la ville, peut s’avérer à l’origine de la maladie de l’enfant, L’île nue ne fait aucune concession. A cette île attachés, les parents enterreront leur fils comme il ont creusé la terre pour l’ensemencer.
Poignant par ses silences et sa résignation, les moindres inflexions d’un visage ou d’une posture deviennent le lieu d’une attente démesurée du spectateur. La mère, dominant la baie et observant le feu d’artifice sur la terre d’en face, ou faisant face à son mari avant d’interrompre, enfin, son travail. Enfin, le corps s’écroule mêlant son cri et ses larmes à la terre que son mari continuer d’arroser.
Révoltant ou sublime, c’est le quotidien qui l’emporte par le retour du labeur. Le plan aérien final, écho à l’ouverture, ajoute à la beauté des lieux la dérisoire histoire de ceux qui tentent de l’habiter, insolés, isolés et insulaires.
Sergent_Pepper
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le 30 avr. 2014

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Sergent_Pepper

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