L'Île nue par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est sur un îlot situé dans l'archipel de Setonaika au Japon que vivent chichement un couple et ses deux enfants. Le terrain est pentu, aride et ce petit coin de terre isolé ne possède pas l'alimentation en eau douce. La culture étant leur seule ressource, ils doivent, de manière incessante, ramener l'eau si précieuse par les chemins escarpés afin de pouvoir parcimonieusement arroser les plantations.
C'est dans cette atmosphère routinière et épuisante que se déroule la vie au quotidien de cette famille. Mais un jour, le drame frappe à la porte: le fils ainé tombe malade pendant que ses parents sont à leur quête habituelle d'eau douce. Ceux-ci appelés d'urgence par le petit frère ne pourront rien pour l'enfant et le médecin ne pourra que constater le décès. C'est alors le désespoir et Toyo, la mère, après les obsèques, se laisse aller à la révolte contre l'injustice de la vie. Malgré tout, il convient de survivre et, fatalistes, ce moment passé, ils reprennent leurs parcours incessants pour amener cette eau, symbole pour eux de la vie qui reprend grâce à la terre qui leur donne avec peine leur maigre richesse.


Ce film de Kaneto Shindô que j'ai eu le bonheur de voir dans les années soixante et dont les images me sont restées gravées dans la mémoire est aussi beau qu' émouvant. La vie routinière de cette famille isolée sur son ilot à la nature ingrate est fascinante. Aucune parole dans ce film; seuls les bruits de l'eau, des pas sur la terre sèche, quelques chansons d'enfants, des bruits de la ville et ce cri de désespoir d'une mère meurtrie par un sort injuste ponctuent ce rituel au fil des saisons. Cette vie de dur labeur que décrit cette œuvre nous captive dans sa simplicité. Les visages sont beaux, les attitudes fatalistes et le tout provoque une très forte émotion.


Trois évènements vont pourtant perturber le rituel: Toyo renversant son seau d'eau reçoit une gifle de la part de son mari, Senta. Puis le point fort de cette œuvre: la mort de Tanaka, le fils ainé et le dernier hommage rendu par ses camarades venus pour cette occasion sur l'ilot. Ensuite ce sera ce hurlement de rage et de douleur émanant de Toyo. Après cela, comme si de rien n'était, la vie reprend son cours, comme auparavant ... au fil des saisons.


Tout au long de ce film splendide, la formidable musique de Hikaru Hayashi nous charme. Cette bande originale est peut-être l'élément principal du film car elle est tellement descriptive et emprunte de beauté que des paroles seraient superflues. Elle rythme les pas, les malheurs, les petits bonheurs, mais aussi les saisons qui défilent. Les photos en noir et blanc sont splendides et très subjectives. Quant à l'interprétation, les noms des acteurs ne vont pas vous dire grand chose et pourtant Taiji Tonoyama, Nobuko Otowa, Shinji Tanaka et Masonori Horimoto sont tous d'un naturel absolu et parviennent à nous bouleverser tout au long de cette tranche de vie. On ne peut ne pas aimer ce film, il est impossible de ne pas avoir de la tendresse, voire de la compassion pour ces êtres isolés de tout, ne demandant rien à personne mais tout de même torturés par la vie.


Pour notre plus grand bonheur, ce film est paru en DVD et c'est une véritable aubaine. N'hésitez pas, il faut voir ce chef-d'œuvre qui par son rythme lent et sa formidable musique lancinante resteront gravé à jamais dans votre mémoire de cinéphile.


Ce film a obtenu :



  • Le Grand Prix du Festival International du film de Moscou en 1961.

  • Nomination au prix du meilleur film aux BAFTA Awards en 1963.

Grard-Rocher
9
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le 9 mars 2014

Modifiée

le 3 avr. 2013

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