Yoshiyuki Momose est un réalisateur dont j'attendais son prochain long métrage avec impatience, et il serait peu dire que son retour en compétition officielle au festival d'Annecy 2024 m'a rendu heureux. Malgré un premier long métrage de commande qui relève de l'accident industriel, j'ai toujours espérer revoir le réalisateur à la tête d'un projet plus personnel qui se rapprocherait de Life Isn't Gonna Lose, son court métrage qu'il avait réalisé dans le cadre du projet Modest Heroes devant ouvrir le studio Ponoc aux côtés d'Hiromasa Yonebayashi. Fort heureusement, les premières images de son The Imaginary présentait une histoire à hauteur d'enfants se rapprochant des thématiques développés dans Life Isn't Gonna Lose et, malgré que le film soit une production Netflix (pouvant présager un film plus calibré et moins franc du collier), j'avais de grands espoir en un film qui pourrait faire oublier Ni No Kuni.
Il y a biensûr un peu de déception quant l'attente est aussi haute, car si Yoshiyuki Momose a réalisé catastrophe monumentale comme Ni No Kuni, ce n'est pas pour rien. Tout comme Ni No Kuni, le film souffre d'un problème de longueur et d'un rythme assez inégale, prenant trop son temps dans son deuxième acte, lorsque l'ami imaginaire vient à rentrer dans le monde de l'imaginaire. Cela est grandement dû à un besoin de développer l'univers, notamment avec l'instauration d'une guilde des amis imaginaires, où l'on développe des concepts qui avaient un potentiel, mais qui posent plus de questions qu'il n'en répond. Il y a notamment cet idée que l'ami imaginaire peut partager les rêves d'un enfant, et que ceux-ci peuvent "changer d'identité et de propriétaire" lorsque l'ami imaginaire arrive à se démarquer. L'idée est brillante, mais vient presque en contradiction avec différents éléments instaurés auparavant. Enfin le film cherche d'avantage à exploiter le ressenti des personnages et du spectateur plutôt que la cohérence factuelle de l'action. Ce qui fait que certains points clef du récit ont l'air artificielles et incohérents, souvent lié dans la manière de subir ou de combattre l'antagoniste principal. Cela se voit notamment dans son climax, très fort émotionnellement parlante, mais qui n'a aucun sens lorsqu'on l'étudie d'un point de vue pragmatique. C'est en parti dans une volonté de mettre en avant la capacité de l'Homme à évoluer et à être influencé émotionnellement parlant sans que cela puisse répondre à des règles rationnelles. Il est pourtant dommageable que cela vient contre les règles narrative que le film impose.
Pourtant le film démontre un véritable talent d'écriture et de narration. On y retrouve des motifs comme le double imaginaire ou le voyage du réel vers l'imaginaire, comme dans Ni No Kuni, mais aussi l'hôpital et le milieu des enfants hospitalisés, que l'on avait déjà dans Life Isn't Gonna Lose. Le film dévoile en filigrane des obsessions personnels qui, réunis, développe tout une réflexion et des préoccupations qui se retrouvent dans la narration. On y retrouve les différents concepts de ces précédents films, comme le besoin de grandir et la mort de l'inconscience à travers l'adieu à l'imaginaire. On va suivre une enfant qui, à travers la vie de son ami imaginaire, va devoir passer un deuil douloureux et échapper à un enfermement dans un refus de grandir. C'est pour cela que ce dernier sera constamment poursuivi par un homme qui a refusé de grandir, qui "se nourrit des sentiments des enfants" à travers toutes les caractéristiques du violeur pédophile. Il n'est pas tant un hasard si ce dernier a une manière peu ragoûtante de manger les amis imaginaires (la première scène de "dégustation" l'illustre parfaitement), et qu'il préfère les "jeunes âmes perdues". Mais plus qu'un bon pitch, c'est toute l'écriture qui dénote d'une maîtrise fulgurante, avec des dialogues finement écrits, provoquant parfois des pures moments glaçant quand la mort peut être sous-entendu par l'étonnement espiègle de personnage se souvenant plus d'un personnage qu'ils connaissaient il y a moins de 24h. Le film sait être généreux dans de véritables moments de violence, surtout dans son dernier acte, qui savent chambouler et nous déstabiliser.
Maintenant, mon plus gros problème du film est qu'il reste encore beaucoup trop sage, beaucoup trop lice, et le film perd en impact et en singularité. Cela est surtout visible à travers les graphismes et l'animation qui sont sert très propres et magnifiques, mais manquent de profondeurs et de contrastes. Tout est toujours dans ces nuances pâles et abstrait dans ses couleurs, presque comme du pastelle. Les contours et les traits sont pratiquement tous uniforme, offrant très peu de possibilités de varier le ton ou de raconter par l'image, à la seule exception du méchant aux traits presque Miyazakien.
The Imaginary se révèle être un film fort, puissant, et radical. Le réalisateur n'a pas peur de déplaire et de raconter des choses perturbantes au travers de son antagoniste, comme des choses tendres et fragile à travers l'imaginaire de ses personnages. Il est regrettable que cette radicalité ne se retranscrit pas assez dans la réalisation qui rend le tout assez sage, et participe à enfermer le récit dans un cadre scolaire que le scénario cherche à s'affranchir. Il en reste pas moins un film qui cultive la poésie et la tendresse dans un cadre parfois apre et douloureux. Nous avons affaire à un auteur encore balbutiant mais qui n'attends qu'à briller avec plus d'assurance et un cadre peu être éloigné des plateformes de streaming. Ce deuxième film confirme le talent de Yoshiyuki Momose, et j'ai hâte de le retrouver sur des projets aussi touchants
13,25/20
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