Andrzej Żuławski n’est pas le genre de bonhomme qui fait du cinéma pour flatter la rétine de son public. Lui, son truc, c’est de le mettre mal à l’aise, de le plonger au fond d’un gouffre peuplé d’une misère humaine qui observe sa propre déchéance. Que l’on soit, ou non, réceptif à son cinéma, il y a une certaine fascination morbide qui émane de ses images. C’est assez troublant.


Dans mon cas, au bout de 5 minutes de film, devant la théâtralité des personnages, j’étais quasiment certain de rejeter en bloc ce qui allait suivre. Et pourtant, je n’ai pu m’extirper de l’écran avant le point final de cette histoire que je jugeais, de prime abord, très maniérée. Possession, qu’il réalisera juste ensuite, m’avait fait un effet semblable, celui de me fasciner malgré le rejet immédiat que j’ai pu nourrir à son encontre.


Fraîchement exilé de Pologne lorsqu’il réalise L'important c'est d'aimer, Andrzej Żuławski signe un film désespéré dans lequel il met en scène des âmes errantes, qui se cherchent sans se trouver, et finissent par se perdre. Certaines trouveront un semblant d’espoir en toute fin de parcours, mais à quel prix.


Exigeant envers ses acteurs, qu’il place dans des situations inconfortables en permanence, le cinéaste évolue à la frontière entre cinéma et théâtre. Ses comédiens enchaînent tirade sur tirade, les décors sont bruts de décoffrage et la narration est très morcelée : les scènes s’enchaînent en même temps que les lieux se suivent. Si en début de séance, cela paraît peu fluide, bien vite une dynamique émerge des interactions abusives qui font réagir les personnages.


Romy Schneider, chahutée à l’extrême, touche en plein cœur par son errance oisive entre rage de vivre et envie d’en finir. Beauté fatale, jamais mise en valeur par Andrzej Żuławski, qui préfère la dépecer de ses atouts, elle est le centre de l’attention, le point central vers lequel tous les éléments rapportés du film se dirigent inéluctablement. Elle est le Graal puissant qui a le pouvoir de redonner sens aux vies erratiques que mènent les pauvres bougres qui gravitent à ses côtés, la promesse d’un bonheur, même éphémère, pour lequel ils sont prêts à l’ultime sacrifice.


C’est l’estomac noué que l’on finit la projection. Difficile de refaire surface après avoir été témoin d’une telle tourmente ; il y a quelque chose d’obsédant dans les images et les ambiances si particulières que construit Andrzej Żuławski, composant une mélodie picturale qui naît sans crier gare d’un amalgame d’images pourtant pas très heureux. Un film qui sait convaincre les réticents, puisque même sans avoir apprécié l’expérience, il est difficile de se détacher des images sans éprouver l’envie d’en découvrir le sens profond…

oso
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le 22 avr. 2015

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