Le cinéma, c'est comme le jazz.

Avec ce sympathique et efficace petit film, j’ai découvert –et ne cesserais plus de le faire- que le cinéma, c’est comme le jazz.

Aussi mythique et excellent soit-il, un morceau , ou un film, est dans la quasi-totalité des cas, une reprise ou un remake d’une autre œuvre qui n’était pas moins mémorable en son temps. L’histoire du jazz et celle du cinéma se répètent, se croisent, se nourrissent, se renouvellent et s’inspirent constamment.

C’est ainsi le cas du film L'Inconnu de Las Vegas (Le titre original Ocean's Eleven est beaucoup plus explicite) qui est l’œuvre matrice du remake Ocean's Eleven et ses suites de 2001, 2004 et 2007.

Pour le compte d’un petit escroc grillé à Las Vegas (Akim TAMIROFF), Danny Ocean (Frank SINATRA) reconstitue son unité de parachutistes vétérans de la deuxième guerre Mondiale et amis de longue date pour monter un extraordinaire braquage : cinq casinos de Las Vegas, en même temps, la nuit de la St Sylvestre.

Le principe de cette série de film de casse est d’afficher une équipe de stars glamours et flamboyantes à l’image du cadre dans lequel l’intrigue prend place. À l’instar de son remake, L'inconnu de Las Vegas réuni donc Frank SINATRA, Dean MARTIN, Sammy DAVIS JR, Joey BISHOP et Peter LAWFORD (fidèle acolyte de Fred ASTAIRE dans Parade de Printemps et Mariage Royal). Soit tous les membres du Rat Pack de l’époque (groupe d’amis et réseau d’influence charismatique du showbiz). S’ajoutent encore Akim TAMIROFF (fidèle acteur d'Orson WELLES), Cesar ROMERO (le fameux Joker de la série TV Batman des années 60) et quelques invités de luxe que je vous laisserais découvrir et chercher.

Cela donne une impression assez magique: tout l'esprit et le glamour des années 60 en un seul film. De plus, l'alchimie de cette bande d'amis à la ville fonctionne parfaitement à l'écran et donne une dimension plus profonde et crédible à l'équipe.
C'est aussi l'occasion d'avoir quelques morceaux musicaux offerts gratuitement par Dean MARTIN et Sammy DAVIS Jr (mais curieusement, Frank SINATRA ne pousse pas une seule fois la chansonnette). Cela constitue vraiment un jackpot bonus.
Enfin, faire du gang de braqueur d'anciens amis et militaires leur donne une épaisseur qui est vraiment le moteur de l'intrigue. Presque tous les personnages ont une histoire personnelle et ainsi, des enjeux et motifs dramatiques pour agir (changer de vie, aider un ami, apporter une sécurité financière à un fils qu'il connaît à peine à cause d'un emprisonnement, faire une dernière action se sachant condamné à court terme par une maladie incurable, etc.). La première partie du film prend le temps de présenter les personnages et leurs implications. Cela accentue le suspense du braquage à venir.

Le casse en lui-même est rondement mené avec un intelligent montage qui dévoile les préparatifs de certains moments mais nous laisse découvrir en direct d'autres étapes.
On retrouve déjà dans L'Inconnu de Las Vegas le ressort scénaristique de l'ex-femme de Danny Ocean qui est justement l'amante du propriétaire d'un des casinos, joué d'ailleurs par Cesar ROMERO.
Et c'est à partir de là que le long-métrage se distingue de son remake et souligne son intérêt.

Le long-métrage offre donc du suspense avec le braquage mais ne se termine pas avec son exécution. Nous avons ensuite un autre film dans le film: sécurisation du pactole, règlements de compte et jeux de dupe au suspense tout aussi efficace. Voilà une belle idée scénaristique.

Petit bémol éventuel: Las Vegas en 1960, ça fait quand même un peu pitié. Cinq casinos qui s'étalent sur un simple rez de chaussé, pas de strip visible et des soirées très... sixties (même si nous avons le droit à Donald O'CONNOR en invité de gala mais non crédité au générique).

Pour conclure, L'inconnu de Las Vegas est un petit film à voir pour son originalité et le témoignage de l'esprit d'une époque. Et pour la peine, le film de Steven SODERBERGH n'est pas un simple remake, mais plutôt une variation: les deux films sont à voir car ils proposent des choses différentes (ne serait-ce que leur époque respective).

PS: Pour la petite histoire, les membres du Rat Pack se produisaient presque tous les soirs dans les casinos de Las Vegas, indépendamment du film. Le tournage ne se faisait qu'à l'aube, après leurs prestations et leurs soirées arrosées.