Juliette des esprits (Giulletta degli spiriti en VO) est un film de Federico FELLINI sorti en 1965. Il met en scène Giulletta MASINA, femme de FELLINI et actrice de La Strada.
On y retrouve les thèmes formels habituels de FELLINI: frontière ténue entre rêve, imaginaire et réalité; et artificialité revendiquée de la mise en scène. Le film fait suite à Huit et demi (1963) dont il suit la même orientation introspective et onirique.
Juliette est une petite (par la taille) bourgeoise d'une quarantaine d'année vivant de manière monotone mais entendue son quotidien de femme au foyer de la bourgeoisie aisée des années 50-60. Sa vie se partage entre mari industriel et probablement volage, régulièrement absent du domicile conjugale et réunions de famille et d'amis tous plus farfelus, superficiels et suffisants les uns que les autres.
S'ajoutent à cela un entremêlement de rêves, névroses et souvenirs impromptus qui éveillent petit à petit Juliette à la vacuité de son existence.
Ces rêves, entrelacés de souvenirs de son enfance, illustrent, à ses yeux et à ceux du spectateur, les désirs refoulés de liberté, de vivre une autre vie, plus folle et moins corsetée par le carcan bourgeois et par les autres.
Poussée par ses visions de l'esprit, Juliette part à la recherche de ces autres vies possibles à travers les excentricités de sa voisine blonde, grande, artiste, libérée sexuellement mais somme toute aussi futile que les ses propres sœurs.
A l'issue de l'aventure, après avoir vu son mari partir une nouvelle fois vers une quelconque amante, Juliette est assaillie une ultime fois par ses souvenirs et ses névroses. Mais elle décide de les accepter, de les concilier et d'être ainsi en accord avec tout ce qu'elle est.
Un sourire d'apaisement aux lèvres, elle quitte alors la maison pour une promenade heureuse. Dans un plan large, on aperçoit alors la maison et son jardin, alors envahis de tous les autres décors du film (forêt, cabane dans les arbres, etc) qui avaient illustrés ses errements et les différentes facettes que constituaient sa personnalité. Elles sont à présent réunies et cohérentes en elle.
Le film est une réflexion farfelue, pour ne pas dire fellinienne, de la nécessité d'accorder sa vie à ses passions et désirs profonds; d'être en accord avec soi-même.
Comme dans la grande majorité des films de FELLINI, les rêves, les souvenirs et la réalité s'enchevêtrent ici à travers cette voisine qui est aussi l'amante du père libertaire et idéalisé des souvenirs de Juliette. Il s'agit d'une projection. Car le film est éminemment psychanalytique.
De même, les souvenirs d'enfance de Juliette au couvent s'apparentent à des images oniriques où les religieuses ne sont que de grands voiles anonymes, identiques et sans visage. La recherche d'idéal de l'enfant passe par une rencontre désirée avec Dieu à travers une mise en scène de théâtre, à grand renfort de machineries. Tout cela étant cher à FELLINI.
D'un point de vue formel, le film est grandiloquent, extravagant, baroque et truculent. Il y a multitude de personnages aux costumes haut en couleur, parlant continuellement et tous en même temps avec force emphase. Cela accentue l'étonnement et le trouble du personnage, perdu dans ses esprits; et contribue à la construction d'une ambiance de sidération pour le spectateur.
Les décors sont déliquescents de taffetas multicolores flottant constamment à tous les vents, comme pour rendre compte de l'errement de tout et tous. Il en résulte une ambiance très onirique mais paradoxalement aussi d'un point de vue cinématographique, des images et des compositions de plan surchargées et plutôt "laides".
Tout a l'air moche, rapiécé, fait avec des bouts de ficelles. Cet aspect là est peut-être voulu mais je regrette alors de ne pas avoir adhéré à ce choix esthétique. Je n'en n'est pas non plus perçu la signification narrative.
Juliette des esprits est un film fellinien dont je perçois et reconnais parfaitement les qualités narratives et formelles. Mais il semblerait donc que dans le cas présent, je ne sois pas sensible à ce type de sujet et à ce type de traitement. Pour autant, à vous de vous faire votre avis!