Bienvenue en terre inconnue
Dans une crique des plus amphithéâtrales, sous un soleil de plomb, les hommes arrivent tour à tour. Les naturistes, faussement nonchalants, matent la présence, cherchent un contact et errent d’un spot à l’autre, dans l’attente d’une étreinte dans les bois voisins, où, à défaut, du spectacle de celles des autres.
Lieu unique et solaire, utopie insulaire au protocole tacite, le lac est un univers clos où se jouent les codes d’un monde inconnu du grand public hétéro. C’est âpre, c’est cru, c’est d’une grande simplicité et d’une mise en scène magistrale. Le sexe explicite est ce qu’il est, tout sauf excitant, voire embarrassant. Le silence, l’absence de musique, la tension dans la récurrence et l’invitation à regarder de plus en plus ardemment ces plans très travaillés contribuent à la tension policière que le scénario met en place.
Cette direction reste cependant à mon sens relativement dispensable et grossit le trait de thématiques pourtant abordées avec une belle évidence. Car le sujet, c’est bien l’inconnu : l’inconnu de ce que recèle ce lac, à travers ces rumeurs d’un poisson carnassier qui y sévirait, l’inconnu qu’on recherche pour soulager son désir, ou l’inconnu qu’est l’autre, quelle que soit le degré d’attachement qu’on lui accorde. Le personnage d’Henri, sorte de monolithe impassible, revenu de ce ballet aussi touchant que pathétique, est le plus touchant. En surplomb, incompris des autres parce qu’il les comprend, il cherche un lien qui sera l’une des lignes directrices les plus fortes du film : sans sexe, presque sans paroles, assis, au-dessus de la surface d’un plan d’eau aux reflets changeants.