L'Inconnu du Nord-Express n'est pas un de mes Hitchcock favoris, il n'est que 14ème dans mon Top Hitchcockien, mais il serait idiot de se désintéresser de ce film qui repose sur un étrange marché macabre, une cauchemardesque histoire d'échange de meurtres, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord parce que c'est incontestablement l'une des meilleures intrigues du Maître, d'après un scénario façonné par l'immense Raymond Chandler tiré du roman troublant de Patricia Highsmith. Hitchcock prouve encore que n'importe quel quidam peut plonger dans un engrenage diabolique, le scénario est simple mais précis, utilisant un protagoniste très malsain, et un suspense constant. Pourtant Chandler et Hitchcock se sont mal entendus sur le tournage, le romancier se plaignant d'une intrigue "assez idiote", sentiment qu'il finira plus tard par corriger.
Ensuite parce que dès la première scène dans le train, le drame se noue, Hitchcock faisant du spectateur un complice de cet échange de meurtre. Plus que jamais, il est fidèle aux thèmes qui lui sont chers, notamment celui de la culpabilité. Ce que l'on semble prendre pour un jeu, à l'instar de la vieille dame qui tend son cou à Bruno Anthony, devient pour ce dernier une mission dont il doit s'acquitter en tuant sa victime désignée. Hitchcock aime aussi à jouer sur l'ambiguïté du duo Guy Haines-Bruno Anthony incarné par Farley Granger et Robert Walker, aussi troubles l'un que l'autre ; les rapports qu'il tisse entre les personnages créent une vertigineuse toile d'araignée, car chacun est l'alter-ego de l'autre, Bruno étant l'alter-ego refoulé de Guy, tout ce que Bruno fait de mal, Guy aurait aimé le faire mais s'en est abstenu à cause de son sens moral.
Enfin, autre raison qui rend ce film important, c'est comme souvent la virtuosité avec laquelle Hitchcock manie la technique, on se souvient de certaines scènes célèbres comme la fameuse tentative de récupération du briquet, ou le match de tennis, mais surtout la scène du parc d'attractions et du meurtre de la femme de Guy où Hitchcock filme son agonie dans ses verres de lunettes tombés au sol... L'interprétation de Robert Walker dans ce rôle de play-boy névrosé, reste sans doute la meilleure de sa courte carrière ; limité par le studio Warner qui l'employait à des rôles bien en-dessous de ses capacités, il avait été choisi en dépit de son apparence physique. Quant à Farley Granger, il n'était pas l'acteur qu'avait imaginé Hitchcock en joueur de tennis, il aurait préféré un gars plus athlétique comme William Holden, mais Granger qui avait pourtant tourné sous la direction du Maître dans la Corde (et qui avait fourni une bonne prestation), était sous contrat à la Warner qui l'imposa à Hitchcock. Ruth Roman, star féminine de la firme à l'époque, fut imposée également pour les mêmes raisons. Malgré ce handicap, Granger parvint à rendre son personnage crédible.
Je ne considère pas le film comme un chef-d'oeuvre, il ne l'était d'ailleurs pas en 1951, l'intrigue me semble un peu trop simple et pauvre, les caractères auraient pu être plus riches, les dialogues plus brillants, d'autres acteurs auraient sans doute mieux fait l'affaire, les implications psychologiques du comportement de Bruno sont exposées sans être développées, mais le film est cependant brillant et correspond à l'attente du public vis-à-vis d'Hitchcock qui a su tirer parti du matériau qu'on lui a donné.

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le 7 janv. 2018

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