L’Inconnue possède peu de points communs avec les précédents films de Giuseppe Tornatore. Envolés le lyrisme romantique de Cinema Paradiso ou la douceur amère de Ils Vont Tous Bien, place à une histoire plus sombre et angoissante. On suit l’existence d’une réfugiée ukrainienne Irena qui s’est exilée en Italie à cause d’un passé trouble et tourmenté, dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle a été esclave sexuelle pendant plusieurs années.
Une succession d’images défilent à l’écran sans qu’on en comprenne particulièrement la signification. Le comportement d’Irena interpelle. Pourquoi se rapprocher à tout prix d’une famille banale comme les Adacher, alors qu’on la devine être une femme traquée ? Quelle mystérieux lien la pousse à se comporter ainsi ? Un peu d’éclairage est apporté par les flashbacks qui viennent régulièrement hanter Irena et la laisse vulnérable et désemparée, incapable de simplement respirée. Vu son passé, elle a légitimement des difficultés à laisser ses souvenirs derrière elle.
Giuseppe Tornatore glisse avec succès vers un style qui lui est peu coutumier : le thriller. C’est très réussi, le scénario échappe aux conventions et garde une ligne directrice trouble mais cohérente, le casting est sobre et sans fausses notes et la musique colle avec soin aux péripéties de l’intrigue.
Qu’importe si la fin se révèle en demi-teinte. Le chemin parcouru pour l’atteindre est de toute beauté et vaut grandement le détour. La prestation de Kseniya Rappoport, actrice russe inconnue au bataillon est saisissante. Tour à tour seule, manipulatrice et protectrice, Irena est une femme que la vie a presque complètement détruite et qui l’a laissé ravagée de séquelles, mais qui malgré tout ce qu’elle a enduré continue à se battre avec opiniâtreté pour ce qui vaut encore la peine.
L’Inconnue raconte le parcours glauque d’une femme ravagée par un destin injuste et qui cherche désespérément une raison d’avancer dans un monde qui ne lui en donne aucune. L’œuvre de Tornatore a beau être une fiction, le destin atroce d’Irena possède une part de vérité qu’il est presque impossible de contester et qui remue d’autant plus qu’on sait que d’autres femmes subissent le même sort dans une indifférence des plus totales. C’est peut-être que le réalisateur réussi véritablement son pari : sensibiliser sans en avoir l’air sur un sujet des plus méconnu et qui mérite pourtant grandement notre attention.