L’Indomptée atteste paradoxalement un domptage, celui d’une forme qui aimerait saisir l’entrelacs du rêve et de la réalité mais qui, pour cela, se subordonne à une théorie peu compréhensible et maintenue à l’écart, comme réservée aux initiés.
Car on ne se perd jamais dans ce dédale de jardinets, de cours et de pièces richement ornées ; tout semble réglé avec minutie, et l’onirisme figé et le quotidien ouvert sur les espaces de la villa. Le recours au filtre rouge, s’il rappelle la chambre noire et le processus de développement photographique, est trop grossièrement utilisé pour ne pas buter sur cette artificialité mise en place. On pense, évidemment, au genre du giallo italien. Mais la référence, appuyée, ne transcende à aucun moment ce qu’elle reste : une référence. On comprend rapidement que le rouge renvoie au noir du négatif photographique et qu’il est censé révéler d’autres choses, une réalité autre que le positif, autre que notre perception diurne. Voir les statues se poursuivre, tourner la tête ou faire l’amour avec les hommes génère bien un mystère. Mystère que les deux actrices principales diffusent dans l’ensemble du long métrage.
Toutefois, ce qu’il manque ici, c’est une entrée plus en profondeur dans la création ; tout est trop propre, trop à distance, trop hygiénique. La réalisatrice peine à donner corps et chair à une intrigue aussi statique que les bustes antiques qui organisent les allées ; elle ne cesse de poursuivre une liberté qu’elle ne s’accorde pas à elle-même, peuple la villa de ses propres spectres, notamment un époux d’âge mûr et barbon qui renvoie – du moins peut-on le suggérer – au mari de Caroline Deruas, Philippe Garrel.
En résulte un film qui relève davantage d’un règlement de comptes artistique que d’une proposition de cinéma à part entière, un film boiteux, à l’image d’Axèle, néanmoins traversé par quelques beaux moments, et enveloppé par la splendide partition musicale de Nicola Piovani.