Pas déçu du voyage du côté de chez Arturo Ripstein, cette fois-ci au milieu du XVIe siècle au Mexique en proie à deux fléaux mortifères, la peste et la persécution des hérétiques. En se concentrant dans El santo oficio sur l'inquisition espagnole (le Mexique faisait partie de la Nouvelle-Espagne et Mexico en était la capitale jusqu'à l'indépendance en 1821), l'austérité de sa mise en scène qui avait été très éprouvante dans Le Château de la pureté trouve tout son sens ici. Elle est mise au service de la chronique d'une persécution dans un cadre historique précis et intéressant, et le niveau de production semble également bien différent, plus à même de rendre compte en l'occurrence des ramifications du pouvoir oppresseur de l'institution cléricale.


L'origine de la chasse aux sorcières menés contre les Juifs est lié dans le film, inspiré de documents retraçant des procès ayant réellement eu lieu, à la propagation de la peste — ils sont soupçonnés d'en être à l'origine notamment en polluant les puits. Ripstein plante un décor particulièrement hostile d'entrée de jeu en montrant comment un moine dénonce sa famille comme hérétiques, à la mort de son père, en constatant que ses proches pratiquent des rites funéraires peu orthodoxes d'un point de vue catholique. La famille pensait être tranquille vis-à-vis de l'ordre religieux en ayant placé un de ses enfants dans l'institution... Bel échec, qui marque le début d'une persécution longue, à la violence protéiforme, touchant un cercle très large de personnes considérées comme infidèles. Le sceau de l'intolérance, du pouvoir patriarcal et de l'aliénation coloniale est placé avec vigueur au tout début du film et ne relâchera pas son étreinte pendant les deux heures qui suivront.


L'Inquisition vaut le détour pour plusieurs aspects, à commencer par la froideur de la reconstitution des pratiques de l'église catholique. Il manque sans doute un peu d'envergure à cette reconstitution (ce sont essentiellement des moyens qui font défaut, dans les costumes, les maquillages, les décors, les figurants), mais la plongée dans le rythme de vie et les coutumes des différentes communautés (les traditionalistes autant que les Juifs hérétiques) reste très prenante. Le rythme très apathique de l'ensemble amplifie la langueur de l'atmosphère et s'accommode assez bien des nombreuses séquences très dures que compte le film, assez bien chargé en tortures et autres sévices. Ripstein parvient ainsi à créer et recréer un climat de peur et de suspicion qui trouve pour apogée une sidérante séquence finale, reconstitution d'une exécution collective (assez éloignée dans le style de celle de Grandier dans The Devils) après déambulation dans les rues de Mexico et énumération des sentences.


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Morrinson
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le 14 juin 2023

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