Apres avoir laissé passer quelques temps entre le visionnage et l'écriture de cette critique je dois bien avouer que quelque chose a muri. Quelque chose qui déjà s'insinuait alors que les notes finales de Schifrin sonnaient le glas d'un film faussement calme, à la nonchalance insolente et au pessimisme décidément touchant.
Du coup je monte à 7.
Faut dire qu'au début je m'attendais à un Policier pour républicain partouzeur de droite dont le personnage principal alignerait punchlines et arrestations fracassantes et coûteuses pour le contribuable au désespoir d'un capitaine ou d'un lieutenant constamment au bord de l'infarctus; le grand père d'un McLane ayant couché avec la grand-mère d'un Jack Slater, en quelque sorte.
Oui je m'attendais même à voir des petites frappes habillées comme des disco boys fans des Black Panthers jouer du couteau à crans, rhabillées par un humour noir ravageur. Et même que peut être on aurait eu droit à des histoires de triades pleines d'acrobates débridés dont les coup de savates seraient contrés par deux ou trois vannes racistes, histoire de rire un peu jaune.
Eh ben non.
Don Siegel nous sert une histoire sans exagérations, dont le souvenir qui en reste est un étrange mélange de silence et de tentatives de verbalisation de la grande lassitude d'un héros plus poisseux que sale, lequel bascule entre révolte bafouée et domination amusée.
Eastwood trimbale sa tête de beau père pas commode dans un film finalement assez cynique, presque dénué d'humour de bande annonce pour préférer user de dérision de bonne augure, subtilement parsemée le long du parcours de notre inspecteur fan de devinettes.
Le personnage, veuf, solitaire et désabusé, semble vouloir transformer sa fatigue existentielle en rage justicière; il ne s'attache plus à personne mais s'agrippe à un sens du devoir plus exutoire que salvateur. En face de lui se dresse un monde d'un autre temps où l'Ordre et la Loi ont remplacé les burnes par les urnes, où même les gosses paient pour la folie meurtrière d'un tueur vénal.
Si Siegel prend son temps pour poser son décor c'est pour mieux imprégner notre esprit, et ainsi nous placer face à une fenêtre (un écran ?) sur notre monde cynique et malade. Ce qu'on peut prendre pour de la lenteur se révèle être une allure posée et en définitive efficace. Une identité finalement plus forte après coup, accentuée par un Schifrin aux petits oignons qui commencera par vous faire tortiller du cul pour vous en coller une lors de la conclusion, dont le pessimisme résonne encore en tête plusieurs jours après.
Le film ne s'appuie pas sur un grand scénario, mais sur un personnage de taille, las et en colère, noyé dans un sens du devoir exacerbé, qui use d'un flingue pour tirer des balles de sarcasme au nom d'un principe désuet, mais qui au final ne croit plus en grand-chose sous le ciel.
Et encore moins en sa bonne étoile.