Seconde adaptation cinématographique (après celle de Don Siegel en 1956) du roman de Jack Finney sur les Hommes-cosse remplaçant les humains par de pâles ersatz dépourvus de sentiment. Le livre et la première adaptation avaient de forts échos de propagande mais entre les années 50 et la fin des années 70 le monde et le Cinéma ont beaucoup changé. Le film aborde un traitement plus frontal de la menace, moins lancinant comme en témoigne le générique, établissant d'emblée la nature extra-terrestre du mal.
L'intrigue démarre ainsi plus vite que son prédécesseur et la nature différente des envahisseurs laisse beaucoup moins de doute, on joue ici d'avantage dans le registre de l'angoisse. Une angoisse soulignée par les choix esthétiques de Philip Kaufman qui use beaucoup du grand angle et de la contre-plongée pour restituer le danger à l'écran. Le montage lui aussi est le terrain de quelques expérimentations pour asseoir cette ambiance délétère. La photo n'est pas en reste puisqu'elle n'hésite pas à se faire très brutale, avec des violents spots unidirectionnel projetant des ombres gigantesque sur le murs ou taillant à la serpe les traits des personnages. Très vite on se sent oppressé, L'invasion de Profanateurs 78 est un film ancré dans son temps, il est fiévreux, dérangeant comme lors d'une longue séquence de substitution de corps ou à travers ces cris improbables que poussent les extra-terrestres lorsqu'ils découvrent un humain. Le sentiment de perdre complètement pied est palpable.
On pourra néanmoins regretter un grossière erreur de scénario lorsqu'un indice disparait d'une pièce par une fenêtre ouvrable uniquement de l'intérieur... tout le monde se pose la question mais personne n'imagine que la SEULE personne présente dans la pièce au moment de la disparition puisse être coupable... et donc qu'elle est "infectée" et dangereuse. Dans un film où le personnages passent leur temps à ne faire confiance à personne, ça fait un peu tâche.
La paranoïa n'est plus la même qu'en 1956, elle ne nait pas lorsque les petites habitudes quotidiennes sont bouleversées mais lorsque la grande ville cesse de bouillonner, lorsque les aspérités sont lissées à l'image de cet accident de voiture dont la police ne veut pas entendre parler. Ici c'est le conformisme qui est pris pour cible, déplacer l'action dans une grande ville n'est pas qu'une question de décor, cela modifie aussi la portée de l'histoire. À titre d'exemple révélateur on retiendra le superbe travelling dans les couloirs de l'institut d'hygiène où les silhouettes désincarnées marchent en silence. Un plan qui tire sa force de sa banalité : cette scène ressemble à n'importe quelle sortie de bureau, n'importe où dans le monde mais placée dans ce film-là, à cet endroit-là elle arrive à donner des frissons.
On remarquera d'ailleurs que le personnage principal n'est pas vraiment l'archétype du héros ordinaire : tatillon, fouineur et globalement détesté dans son travail (contrôleur de l'hygiène). Un personnage pas forcément antipathique mais pas vraiment avenant non plus, incarné par un Donald Sutherland moustachu et habité.
Il y a aussi Brooke Adams en ingénue déphasée, Jeff Goldblum, très bon, dans la peau d'un écrivain raté et stressé et Veronica Cartwright dans le rôle de sa vie : la nana qui a peur et qui essaye de prendre sur elle comme elle peut. Un quatuor de survivants imparfait et donc attachant.
Plus le film avance et plus il s'enfonce dans un désespoir palpable, le but n'est plus ici d'éveiller les conscience face à une menace rouge mais de dépeindre un monde tellement en proie au doute et aux pressions sociales que l'espoir n'a plus sa place.
Oppressant de bout en bout cette nouvelle mouture de L'invasion des Profanateurs est une vraie réussite, si vous ne devez en voir qu'une seule version c'est bel et bien celle-là.