Dans une petite bourgade des États-Unis Miles Bennell, un jeune médecin, est témoin d'une psychose collective, certains de ses patients se plaignent de ne plus reconnaître leurs proches, qu'ils ne sont plus eux-même bien qu'ils en aient l'apparence. Un phénomène qui s'amplifie et qui commence à l'inquiéter sérieusement lorsqu'il atteint Becky Driscoll, une amie d'enfance à laquelle il semble très attaché. Et si c'était plus qu'une psychose ? Et si ces gens étaient vraiment quelque chose d'autre ?

L'invasion des Profanateurs de Sépultures (traduction française ridicule de "Invasion of The Body Snatchers" puisqu'il n'est nullement question de tombe ou de profanation mais de vol de corps... bref) nous dépeint une Amérique profonde dans laquelle les gens changent de façon imperceptibles et perdent leur identité propre au profit d'une logique de groupe, d'une logique de bien commun. Une logique qui tue petit à petit l'économie de la ville (les magasins ferment à tour de rôle) puisque l'ensemble de ses habitants est occupée à la culture des énormes cosses permettant de "recruter" (en échangeant un vrai être humain contre un ersatz apathique) de nouveaux adeptes.
Souvent la Science-Fiction est le vecteur de messages parfaitement contemporains, à travers la métaphore on peut parler de certaines choses sans en avoir l'air.
Nous sommes donc en 1956, le MacCarthysme et la Guerre de Corée viennent tout deux de s'achever, l'ennemi rouge semble plus fort que jamais et les peurs du sénateur MacCarthy de voir des communistes infiltrés dans les hautes sphères de la société américaine sont toujours bien présentes.
Difficile alors de ne pas voir dans cette histoire d'extra-terrestre ("alien" en anglais qui peut aussi se traduire par "étranger") qui s'infiltre parmi les américains pour répandre un culte de la communauté en supprimant au passage toute humanité (un trait caractéristique des envahisseurs est leur absence d'émotion) une projection directe du communisme, ou plutôt une perception du communisme vu à travers le prisme de la paranoïa de l'époque.

Bien que Don Siegel se soit défendu de toute velléités anti-communistes les différents éléments du film ont pourtant tout du film de propagande, comme ce fût le cas pour d'autres films de Science-Fiction de l'époque (La Chose d'un Autre Monde, Le Jour où la terre s'arrêta). Son final ouvert (un brin décevant d'ailleurs) a d'ailleurs tout d'un avertissement: désormais prévenu du danger on peut l'arrêter mais encore faut-il réagir assez vite, seul l'avenir nous le dira.

Bref... en mettant l'idéologie de côté, aussi encombrante soit-elle, le simple postulat de ces Hommes-cosse qu'on cultive est suffisamment effrayant en soit.
La peur instillée par le film fonctionne d'autant mieux que la menace semble invisible et imparable : elle touche à l'intime (famille, amour, amis) et elle frappe pendant le sommeil. Comment lutter contre un besoin physiologique aussi primordial ? Comment lutter contre soi-même ?
L'humanité se débat pour préserver ce qui la rend si intéressante (l'amour essentiellement) mais ce sont ses faiblesses (la peur, les limites du corps), toutes aussi inhérentes à sa condition, qui peuvent l'anéantir.

En travaillant ses personnages comme si de rien n'était (utilisation de cadrages parfaitement neutres sur les visages) il s'installe un glissement progressif du quotidien. On sent que des choses se passe mais on ne sait pas quoi exactement (la révélation du mécanisme de remplacement des corps est révélée tardivement). Ce sont là les mécanismes élémentaires de la paranoïa qui sont exploités de façon tout à fait pertinente. Un glissement inexorable jusqu'au basculement où Siegel empreigne un rythme haletant à son film, enchaînant les rebondissement avec souplesse. Épilogue mis à part, le dernier acte du film est un modèle de tension.
Car le film jouit aussi d'un travail esthétique remarquable que ce soit au niveau de la photo (surtout lors des séquences nocturnes), du montage (bien qu'un brin mou sur le début) ou de la réalisation. Don Siegel arrive à bousculer son audience au détour de quelques séquences bien senties, on pourra par exemple souligner l'utilisation percutante des gros plans.

Si l'épilogue est un peu bancal (car trop expéditif), si la caractérisation du héros manque de finesse (un jeune médecin aussi beau que sans aspérité) on ne peut que saluer le reste du film qui est bien plus qu'une bête péloche de propagande. L'invasion des Profanateurs de Sépultures est un bon film de SF, avec des idées fortes et un vrai travail de mise en scène. Deux qualités qui font qu'il peut parfaitement s'apprécier "tout seul", en dehors de sa portée idéologique, qu'elle soit voulue ou non.
Vnr-Herzog
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le 17 avr. 2011

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