Voici l'un des grands films fantastiques des années 50, tourné en pleine "chasse aux sorcières" maccarthyste et donc hautement symbolique par ses sous-entendus (notamment les cosses qui sont censées représenter le communisme envahissant l'Amérique). Pour le réalisateur Don Siegel, ça symbolise l'indifférence, la passivité et le conformisme de ses producteurs qui n'étaient guère emballés par ce projet et qui n'y croyaient pas du tout, souhaitant surtout que le film se termine sur une note optimiste. Avec le temps, c'est devenu une véritable perle de la série B fantastique.
Tenant à la fois du fantastique et de la SF, le film constitue par son scénario un renouvellement subtil de l'invasion extraterrestre, où la terreur est utilisée de façon dépouillée, car tout réside dans le climat instauré par Siegel et non dans son impact visuel. Siegel a choisi de placer son intrigue dans un réalisme quotidien, au sein d'une petite ville provinciale américaine mais qui pourrait se situer n'importe où dans le monde, avec ses habitants qui se connaissent tous et une vie quotidienne sans histoire.
Le suspense va crescendo, peu à peu, le héros incarné par Kevin McCarthy se sent entouré d'ennemis, ses amis d'hier étant devenus étranges et présentant un danger, car ils sont "passés de l'autre côté". Siegel cultive donc avec une efficacité redoutable le thème de la paranoïa que McCarthy traduit de façon très convaincante par un jeu excessif bien adapté, il faut le voir courir comme un fou vers la fin en alertant les gens avec une figure d'illuminé.
D'où le fait que le film a été perçu comme une allégorie politique et une parabole déguisée du maccarthysme, comme l'avait été aussi le Jour où la terre s'arrêta de Robert Wise. Mais quelles que soient les interprétations que l'on donne, il faut surtout voir ce film comme un récit palpitant, où le spectateur, à l'image du héros qui vit un véritable cauchemar éveillé, est à son tour plongé dans un univers inquiétant où le danger peut prendre des formes amicales et rassurantes, c'est la grande force de ce film qui comme plusieurs de ces séries B, fut tourné en une dizaine de jours avec peu de moyens.
Le titre français qui comme souvent à l'époque, voulait épater le client, en rajoute car la traduction du titre original est "L'invasion des voleurs de cadavres", titre qui sera raccourci dans le remake de 1978 réalisé par Philip Kaufman (L'invasion des profanateurs), puis encore dans la version de 2007 (Invasion) qui n'est pas un vrai remake mais qui s'en inspire.

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le 9 oct. 2018

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