La première partie n'est pas des plus stimulante avec une approche un peu trop naïve, entre carte postale, bons sentiments et folklore un peu kitsch. Une fois arrivé à New-York, le film n'est fini plus de s'améliorer et son dernier acte est tout bonnement incroyable, d'une force terrassante.
Finie l'imagerie d’Épinal italienne, le style se fait plus réaliste, presque documentariste avec tournage en extérieurs et reconstitution très réussie. Et surtout le traitement possède une justesse et une intégrité dramatique qui surprennent encore aujourd'hui tant dans sa peinture de la corruption politique, du mépris de classe et de la pauvreté s'acharnant sur les plus démunis. C'est incroyablement pessimiste tout en étant malheureusement tristement crédible. La longue descente aux enfers du héros ne sera jamais sauvée, rachetée et même "justifiée". Le sort est injuste car la vie est injustice. Et il n'y a pas de moral ni de raison.
la réalisation est également en adéquation avec la force tragique de son récit grâce à la puissance des gros plans qui sont parmi les plus marquant du cinéma muet comme George Beban fiévreux, le visage déformé par la haine en apercevant les hommes qui viennent de le dépouiller, privant son bébé de soin. Les accélérations dans le montage des différents climax sont la aussi d'un impact tétanisant (Beppo désespérant accroché à une voiture ! )
Il n'y a pas grand chose de glamour ni de romantique dans la forme, mais quelques chose de froid et d’implacable dans sa narration. Même le choix des comédiens et leur caractérisation de leurs incarnations n'essaient pas de les rendre plus charismatique. Annette et Beppo n'ont rien du couple conventionnel, lisse, propre sur eux et idéalisé. Ils ont des défauts, des faiblesses et une apparence on ne peut plus banale et pour le moins négligée.
Le film a bien quelques concessions commerciales (la tentative de vengeance sur la fille du politicien véreux) et quelques moments où l’interprétation accuse ses 100 ans ; pas de quoi amenuiser l'honnêteté de son approche ni la charge de son contexte sociale.