Les années 60 resteront sans doute pour toujours ce moment inouï, cette "parenthèse enchantée", qui vit le cinéma devenir "moderne", et s'affranchir - un bref instant - des contraintes de narration classique, de succès commercial, pour embrasser son destin - toujours contrarié - de véritable Art (et non plus d'industrie...). Au Japon, le plus effréné novateur s'appelait alors Oshima, et revoir ses films de cette époque, avant la "maîtrise" et la "gloire" qui viendront ensuite, signifie se prendre une bonne claque. 50 ans plus tard, qui fait des films ainsi, avec cette beauté stupéfiante qui n'obéit à aucun classicisme, à aucun cliché ? Qui sait filmer avec autant d'empathie des êtres s'effondrant dans leurs pulsions obscures, dévastatrices, sans jamais en appeler aux éternels ressorts de la psychologie et du rationnel ? Qui va aussi loin dans l'aventure formelle, entre ruptures de perspectives, déconstruction temporelle labyrinthique et déni de l'utilitarisme des personnages et des dialogues ? Personne ou presque, parce que le spectateur moderne ne souhaite certainement pas voir un film qui refuse autant de faire sens commun, qui rejette la morale universelle avec autant de vigueur (ah, cette incroyable scène de viol de l'épouse devant son mari pendu, filmée comme une ode à la nature et la vitalité !), et qui finalement se conclut de manière aussi radicale ("J'ai 20 ans et j'ai encore survécu" ou quelque chose comme ça...). Difficile, parfois même rebutant, "l'Obsédé en Plein Jour" récompensera pourtant au centuple le spectateur persévérant qui acceptera de se perdre dans le non-récit cruel d'une histoire d'amour et de sexe et de mort entre quatre personnages qui lui resteront de toute façon incompréhensibles : les instants sublimes ne manquent pas, et leur brûlure est inoubliable. [Critique écrite en 2013]

EricDebarnot
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 1966

Créée

le 23 nov. 2013

Critique lue 400 fois

7 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 400 fois

7

D'autres avis sur L'Obsédé en plein jour

L'Obsédé en plein jour
AMCHI
7

Critique de L'Obsédé en plein jour par AMCHI

Violences en plein jour 'est un film de Nagisa Oshima que j'ai vu sous le titre de L’obsédé en plein jour qui me semble plus approprié ; un film étrange qui traite de la relation ambigüe entre un...

le 25 nov. 2017

1 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25