Paul Feig n’a pas son pareil pour extraire de l’interaction de deux femmes un récit d’exploration au terme duquel les personnages en présence apprennent sur eux et sur les autres, renaissent à eux-mêmes dans une version plus évoluée, plus libre. C’est en ce sens que le cinéma de Feig est un cinéma d’émancipation où le féminisme trouve une pertinence qui fait défaut à bon nombre de productions actuelles. Pas de discours-prétexte ici, seulement la conviction que la femme détient les clefs de sa propre élévation ; genre-somme qui possède non seulement le potentiel vulgaire du masculin mais surtout cette grâce mystérieuse qui l’élève au-dessus du masculin. Le féminin dispose ainsi de propriétés similaires à celles du phœnix.
Soit une mère de famille qui se trouve enfermée dans un ensemble de rôles, à l’image de cette fenêtre-miroir que sont les vidéos de cuisine publiées sur internet. Illusion du mouvement, illusion d’un dynamisme mortifère qui se voient brisées par une rencontre. La brune découvre la blonde. Plus grande, plus sensuelle, plus distinguée. Et pourtant accessible en raison de l’enfant dont elle s’occupe et qu’elle accompagne à l’école. Naît aussitôt à l’écran un sentiment d’étrangeté : celui d’une amitié impossible et qui pourtant prend de l’ampleur, tient sur la durée malgré des différences importantes.
A Simple Favor se structure tout entier sur un leurre : il semble, en effet, que l’énigme soit d’abord l’apanage d’Emily, figure d’altérité qui fascine Stephanie parce qu’elle incarne enfin cette fenêtre ouverte sur un ailleurs. Fenêtre que cette dernière ne tarde pas à traverser, allant jusqu’à adopter le garçon de son amie, revêtir sa robe, tomber amoureuse de son petit-ami. Se forme un triangle du désir qui n’est, en réalité, que l’alliance perpétuellement mouvante de deux êtres contre un troisième. Feig adopte la structure triangulaire pour mieux complexifier les relations de Stephanie à elle-même, puisqu’en s’engageant dans une enquête de détective, elle visite les tréfonds d’une existence pour mieux raviver la sienne. Le film perpétue donc une légende – par le biais d’un jeu de piste – qui a l’illusion d’être inaccessible alors qu’elle se situe dans l’essence de celle qui la cherche. Un propos de fond on ne peut plus convaincant !
Le souci, néanmoins, c’est que le mélange des registres rend l’ensemble à la fois fragile et faux. Le cinéaste ne réussit que peu à rendre crédible son intrigue aux retournements téléphonés ou tirés par les cheveux. Le comique et le film à énigme restent deux niveaux qui se superposent sans s’agréger l’un à l’autre. En résulte une impression de superficialité qui transforme chacun des registres en invité parasite : tantôt le thriller dissone, tantôt le comique brise la tension dramatique. A Simple Favor demeure une œuvre intelligente et soigneusement réalisée, mais qui aurait gagné à enraciner ses tonalités dans un terreau plus naturel, où les effets auraient été moins visibles et surtout subordonnés à l’histoire.