Souvent, certains réalisateurs se lancent dans un exercice de style discutable mais aguicheur, qui sans avoir l’air d’être inspiré, parviennent à créer une atmosphère étrange et envoutante. Si le Nosferatu de Murnau est entré dans la légende, je me suis moins pris de passion pour lui (j’ai tendance à le trouver un peu… chiant, alors que son remake de Herzog l’explose) que pour l’étrange L’ombre du vampire, qui fantasme sur le tournage du Nosferatu de Murnau. A la fois film d’époque et mythe vampirique classe, l’Ombre du Vampire, porté par un casting au top, plonge le spectateur dans un postulat à la fois cinéphile et remarquable.


Splendide film que cette Ombre du Vampire, qui sous son écrin classique de reconstitution d’époque, s’amuse à faire de multiples clins d’yeux au film original (c’est pourquoi il est recommandé de revoir l’original avant de voir ce film), tout en fournissant des explications fantastiques à certaines aberrations de tournage (les scènes du bateau, tournées sur terre, sont ici dues à un caprice du comte, qui en profite alors pour croquer un technicien ou deux). Mais commençons par le début. La reconstitution d’époque, minimaliste (tous les techniciens portent une blouse blanche, quelques coiffures d’époques et une locomotive à vapeur), pose déjà une petite ambiance rétro tout à fait plaisante, surtout quand on voit que nous allons côtoyer Udo Kier et John Malkovich (dans le rôle de Murnau, veinard !) pendant tout le reste du film. Le film commence en illustrant les techniques de tournage du cinéma muet, du temps ou pendant le film, le réalisateur parlait aux comédiens pour diriger les gestes et leurs émotions, toutes exagérées. Cette exagération quotidienne rend d’ailleurs les héros assez agaçant, ce qui est aussi mon sentiment en face du film original.


En revanche, une fois que le comte entre en scène, tout le monde se sait, tant sa stature impressionne. Et ce n’est rien de moins que Willem Dafoe qui interprète le monstre, livrant ici une de ses plus intrigantes prestations (dont la puissance est comparable à celle de son personnage dans Sailor & Lula). Conférant à son personnage une rigidité cadavérique et des tics de rongeurs (ses dents sont merveilleusement bien pensées), ce comte Orloff est un vampire qui marque immédiatement le spectateur pour sa mélancolique solitude (sa dissertation sur le Dracula de Bram Stocker est assez touchante, et la réflexion pertinente) et ses interventions fines souvent imprégnées d’humour (quand il négocie avec Murnau pour attaquer des techniciens qu’il juge inutiles). Le personnage est fascinant, et le film jouant avec l’original (ici, le vampire tombe amoureux de l’actrice jouant la femme du héros, non pas pour lui sucer le sang, mais à cause de sa poitrine), le spectacle est parfois complet dans sa référence cinéphile très poussée. Et, poussant ce fantasme jusqu’à son paroxysme, il va jusqu’à réinventer la fin de l’histoire, en tournant d’abord la mort du comte avant de se livrer à un authentique carnage sur l’actrice (droguée par Murnau pour l’occasion). Tantôt drôle, tantôt terrifiant, mais toujours impressionnant, Willem Dafoe fait un très bon comte Orloff, et cette Ombre du Vampire, si elle n’apporte pas grand-chose au mythe vampirique, nous livre un bel exercice de style, à la fois attachant et intelligent. Un divertissement inattendu, qui cherchera davantage à satisfaire les fans des acteurs réunis (le film est vain, il ne vaut que pour la présence et les dialogues travaillés des acteurs) qu'à assurer un renouvèlement ou un spectacle mouvementé…

Voracinéphile
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le 15 déc. 2015

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