Exaspérant. Dommage car l'ouverture était plutôt alléchante, fut-elle deux minutes perdues au milieu de 2h16 d'un film interminable (ou minable tout court d'ailleurs). L'ordre et la morale c 'est une sorte de non-cinéma d'autant plus détestable lorsqu'il ne se refuse aucune supercherie pour embarquer avec lui le spectateur en tentant vainement de cacher ses énormes failles derrière le principe bête et lâche du devoir de mémoire. La volonté explicative de Kassovitz se transforme en un dur labeur de démonstration factuelle agaçante car agencée comme mauvais épisode de 24H chrono (sauf que là ça dure 10 jours).
Lorsque le réalisateur, lors de la conférence, indique ne pas s'être inspiré du grand cinéma américain sur la Guerre du Vietnam (Coppola, Kubrick, Cimino, Stone etc.), on hésite entre rire d'une évidente mauvaise foi, et pleurer de les avoir vu sous nos yeux si pathétiquement martyrisées (scène de l'assaut ignoble, confusion entre un cinéma réaliste, et une caméra à l'épaule abjecte)
Montage résumé à d'hideuses coupures intransitives (et quand un plan dure 5 secondes maximum, ça finit par se voir), bande d'originale assommante ("gong" censés représenter l'avancée d'un tank)... A croire qu'après dix ans de négociations avec les kanaks, Mathieu Kassovitz ne pouvait pas s'en octroyer un de plus pour réaliser un film correct. Car si on ne remettra pas en cause l'honnêteté du réalisateur, on regrettera que toute son énergie ne fût déployée qu'autour du film et non plus dans le film, pour le film. Alors que dans La Haine il parvenait à combiner une richesse visuelle confondante avec une certaine idée du cinéma engagé, il arrive ici, en négligeant totalement la forme à gâcher tout intérêt citoyen que pouvait porter un tel sujet. L'ordre et la morale est peut-être édifiant, mais n'a rien d'un film de cinéma car à la conception d'un art visuel parlant d'abord par l'image, Kassovitz préfère l'ennuyeuse voie factuelle, discursive et scolaire.