L’ornithologue est à 2016 ce que Cemetery of Splendour fut à 2015 : un objet cinématographique hors normes, rebattant les cartes de la narration et magnifiant la magie d’un art du merveilleux, du poétique et de l’onirique. Esprits cartésiens s’abstenir pour qui suivra la dérive de Fernando, un spécialiste des oiseaux qui a entrepris de descendre en kayak une rivière pour y observer les mœurs d’espèces rares. Au cœur de cette nature luxuriante, à la fois angoissante et protectrice, où cohabitent, vraies ou fausses, réelles ou imaginées, de nombreuses espèces, le scientifique qui n’a de contact avec l’extérieur que par son portable, où un certain Sergio lui rappelle aussi bien son amour que de ne pas oublier de prendre son traitement, va connaitre un certain nombre d’expériences mystiques et païennes , faire des rencontres avec un berger muet, des chasseresses à cheval, un groupe de garçons aux rites étranges et inquiétants.


Cette ode hédoniste aux sens et au désir, quel qu’en soit l’objet, se déploie pendant deux heures sans que nous ne sachions jamais vers quoi elle va nous conduire. La surprise et l’étonnement sont sans cesse au rendez-vous, alors que s’esquisse peu à peu la figure de Saint Antoine de Padoue dont Fernando (prénom officiel du fameux prédicateur né à Lisbonne) serait un avatar contemporain. Mais avant de bifurquer vers cette dimension spirituelle et mystique, les aventures de Fernando, entravé, en slip et bandant comme un taureau, dans des cordes tel un Saint-Sébastien ou, plus prosaïquement, comme un adepte du bondage, prennent des aspects plus dangereux et plus cocasses. Par conséquent, on se prend à évoquer le Delivrance de John Boorman (le canoë et les rapides) avant de penser aux œuvres panthéistes et épicuriennes des frères Larrieu ou, bien sûr, du thaïlandais Weerasethakul (et plus précisément Tropical Malady et Oncle Boonmee).


Toujours est-il que le cinéaste portugais – dont O Fantasma et Odete restent des souvenirs marquants de spectateur – partage les mêmes audaces formelles et la même appétence de recherche et de création avec son collègue asiatique, mais aussi avec son compatriote Miguel Gomes qui mixe de la même manière baroque et classicisme, sacré et profane dans un ensemble que certains verront comme un foutraque salmigondis, un grand n’importe quoi simpliste et désireux de mettre mal à l’aise ou de choquer. Mais on peut aussi voir ce film inventif et incomparable comme une invitation à entrer en transe, à perdre pied et à s’étourdir à la suite du magnétique Paul Hamy (qui partagea le lit de Catherine Deneuve dans Elle s’en va) dans l’effervescence ovidienne des désirs passés au tamis des mythes et des croyances.

PatrickBraganti
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le 2 déc. 2016

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