Il s’en passe des choses le long du Douro, ce long fleuve qui prend sa source en Espagne avant de traverser le Portugal et d’aller se jeter dans l’Atlantique, à Porto. Fernando, jeune et bel ornithologue, le parcourt en kayak dans l’espoir d’observer des spécimens rares de cigognes noires, mais l’expédition va vite tourner au voyage initiatique quand Fernando s’échoue, s’écorche et s’égare. Relecture de l’histoire de Saint Antoine de Padoue (né Fernando Martins de Bulhões), autoportrait d’un cinéaste canonisé (qui voulait être ornithologue aussi, et qui aime les garçons aussi, et qui a eu sa rétrospective à Beaubourg), relents homériques et conte sauvage sur la Nature (ses esprits, ses périls, ses interstices…), L’ornithologue est tout cela à la fois. Un chemin tortueux vers la métamorphose, une transfiguration même puisqu’il y est question de Saint et de divin.


João Pedro Rodrigues fait de Paul Hamy (qui, après Malgré la nuit de Philippe Grandrieux, semble s’engager de plus en plus vers un cinéma à la marge, très aventureux) son alter ego hyper fétichisé, physique gaillard et slip protubérant, qu’il double de sa voix et incarne quand les oiseaux l’observent ou le survolent, puis à la fin quand Saint Antoine transparaît (la métamorphose donc, l’autoportrait qui est là). Rodrigues se joue (et s’amuse) des figures de la religion, du sexe et de croyances ancestrales dans un rigoureux bazar où planent les ombres de Pasolini, Jodorowsky et Weerasethakul. Du paganisme au christianisme, il livre une sorte de réflexion sur nos multiples et possibles identités (jouisseur, dévot, animal, aimant…) à travers ondes telluriques et humanité débridée (Chinoises en pèlerinage adeptes du shibari, berger peu farouche nommé Jesus, diables païens aux rituels libérateurs…).


Réflexion qui, pendant une heure et demie, tient de la rêverie fascinante pleine de surprises et de fulgurances, trimballant son héraut ornitho dans un espace-temps allégorique qui le révèlera à lui-même (et en un autre). Mais, presque d’un coup, telle une mort subite (ou une petite mort : après l’extase, plus rien), le film perd de son pouvoir hypnotique et rustique, de sa charge érotique (le corps est à la fête, désiré, blessé, souillé, attaché…), de tout ce qui, juste avant, le rendait complètement ensorcelant. Ce pouvoir qui, dans les vingt dernières minutes, paraît se refermer sur sa propre vanité, ses propres bizarreries (mystiques et stylistiques) avec kitsch fumeux et scènes laborieuses (les Amazones, la rencontre avec Tomé, le retour à Padoue). Le voyage était beau, et les sentiers battus aussi, mais son achèvement reste comme inaccessible, laissé dans le noir de la forêt, sous un éboulis.


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mymp
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le 5 déc. 2016

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