Deuxième long métrage du grand Béla Tarr, L'Outsider reste certainement mineur en comparaison d'autres films de son Oeuvre : loin du formalisme terrassant du somptueux Damnation ou de la magnificence du bloc prodigieux que constituent les 450 minutes du fatidique Satantango ce petit film de studio témoigne pourtant d'une rigueur redoutable, laissant une place considérable à l'improvisation et aux aléas de réel...
Sans fil conducteur apparent - excepté son personnage-titre, touchant de sincérité et de simplicité - L'Outsider demeure également le seul véritable film en couleurs de Béla Tarr, Almanach d'Automne ayant été davantage réalisé aux moyens de filtres peu variables dans leur tonalité qu'avec une large palette chromatique. La radicalité légendaire du cinéaste hongrois prend en l’occurrence moins la forme d'une esthétisation typique que celle d'une parole en mouvement, évoquant dans une certaine mesure le cinéma révolutionnaire de son contemporain Miklos Jancso ; c'est également la "méthode John Cassavetes" et ses incessantes séries de rushes qui viennent à l'esprit au regard de ces longues et larges séquences filmées caméra à l'épaule au plus près des visages, peu découpées, cherchant moins l'efficacité que la probité.
On retrouve donc dans L'Outsider la portée socio-critique du superbe et immersif Nid Familial, les enjeux narratifs en moins et la dimension existentielle davantage étoffée que dans le film de 1977... Un film exigeant, pour ne pas dire aride, qui donne pourtant à voir un spectacle intime à la douce-amertume saisissante et débordant d'empathie. Je conseille !