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Pour désacraliser un auteur intouchable, dont le simple nom fait tressaillir le cinéphile tant il sait qu’une de ses œuvres sera indéniablement singulière, que l’on y accroche ou pas, la méthode consistant à débroussailler dans ses débuts de carrière semble porter ses fruits. Car si on retrouve bien du Kubrick dans The Killing, on y retrouve également des expérimentations inabouties mais nécessaires à la perfection de son art.
The Killing est le prototype archétypique du film de braquage, où dans une première moitié on nous explique la théorie du plan que l’on mettra en action dans une seconde, en prenant soin de laisser assez de zones d’ombres pour que le spectateur ait encore quelques surprises. De nombreux fusils de Tchekhov sont amorcés et auront une détonation plus ou moins heureuse. Hélas, cette première partie se traîne en longueur et alourdit l’ensemble. Kubrick met pourtant en place quelques éléments qui en théorie devraient apporter du piquant à l’ensemble, mais leur imperfection les rend rapidement dispensables, voire préjudiciables. L’usage d’une déconstruction du plan par une narration en voix-off ne fait qu’appuyer ce que l’on voit déjà à l’écran, de la même façon que la répétition de certaines scènes selon différents point de vue, censée dynamiser le déroulé, n’apporte au final que redondance à une exécution déjà explicite. D’autant plus que le stratagème élaboré par les braqueurs est assez basique.
Il y a bien quelques moments sympathiques, comme ce final téléphoné mais efficace, mais globalement, le troisième film du futur maître apparaît comme une ébauche peu mémorable. Pas d’acteurs charismatiques pour des personnages réduits à leur fonction, pas de scénario malin au vu de la planification éventée, pas de message profond tant la morale finale est basse du front, pas de réalisation qui vous retourne au vu du didactisme de l’ensemble, pas de photographie qui émerveille, pas de tension qui prend au tripe, tout tombe un peu à plat.
The Killing souffre incontestablement des décennies de films de ce genre qui ont suivi, où les plans ont du devenir de plus en plus élaborés pour contrer des obstacles exponentiellement retors en phase avec les avancées technologiques (de Ocean’s 11 à Mission Impossible, en passant par Inside Man ou Inception). Il a mal vieilli, et se regarde aujourd’hui comme une curiosité passable, une lubie de cinéphile qui veut compléter une filmographie.